Auditions en commissions

Commission des Finances - Audition

Eric Bocquet interpelle l’Autorité des marchés financiers sur le risque de crise financière

Ce mercredi 6 juin, la Commission des Finances auditionnait, dans le cadre du rendu du Rapport annuel de l’AMF, Monsieur Robert Ophèle, président de l’Autorité des marchés financiers.

Eric Bocquet, vice-président de la Commission des Finances, en a profité pour l’interroger sur le risque d’une nouvelle crise financière mondiale. Vous pouvez découvrir son intervention ci-dessous.

Vous pouvez vous rendre sur le site du Sénat pour consulter la vidéo intégrale de la Commission des Finances.

Il est toujours intéressant d’entendre l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) qui connait, par définition, parfaitement le monde merveilleux de la finance, ses évolutions, ses turpitudes. Vous le régulez, vous le sanctionnez y compris, tout cela est nécessaire. Mais, sur un plan plus global, on est 10 ans après la dernière crise financière mondiale, dont on n’est pas encore sorti des conséquences, ne serait-ce que l’aggravation des dettes des Etats par exemple.

Est-ce que la situation, de votre point de vue, est assainie ? Est-ce que toutes les mesures ont été prises ? Est-ce que tous les risques ont été évacués ? Alors, certains économistes et financiers semblent dire que tel n’est pas le cas, on pointe un risque d’une nouvelle crise financière, personne ne sait quand évidemment, mais certains ingrédients semblent être présents. 340 000 milliards de dollars en circulation dans le monde, estimation évidemment, 4 fois le PIB du monde, mais surtout, une finance parallèle, le shadow banking, que vous avez évoquée, 45 000 milliards mondial. Donc votre travail, c’est de contrôler, de réguler, de sanctionner le secteur régulé mais il y a tout cet espace là qui échappe à toute régulation, à tout contrôle, à toute règle, et c’est un sujet d’inquiétude. Je crois que 50% des activités financières dans le monde sont gérées de cette manière et c’est un secteur qui est en plein développement, activités qui sont menées par d’autres acteurs que les banques.
Alors on parle d’opacité, de manque de transparence, vous l’avez cité, vous parlez de ralentissement parfois ; est-ce que vous avez une bonne coopération de certains Etats aux vertus financières connues, Luxembourg, Suisse par exemple, les Îles Caïmans ? Comment ça se passe dans les relations et les coopérations avec ces Etats-là ?

Je me souviens des propos de Monsieur Alain Minc, ce grand expert inamovible, indépendant qui disait en 2007 : « tous les voyants sont au vert ». C’était à quelques semaines de l’éclatement de la crise de Lehman Brothers. Personne ne l’avait vu, lui non plus. Et il vient de redire, Monsieur Minc, en 2017, en novembre 2017 : « On ne revivra pas la crise de 2007, mais plutôt une secousse boursière, et les plus malins en profiteront. ». Tout le cynisme, c’est excellent. Alors, il y a quand même des facteurs de déstabilisation des marchés financiers ces dernières années, depuis cette crise. L’assouplissement quantitatif des banques centrales, la banque américaine, la BCE qui a injecté des dizaines de milliards de dollars pour relancer l’économie, ça n’a pas le résultat escompté, mais ça fait que la masse monétaire dans le monde est gigantesque. Elle a crû dans des portions absolument dingues. Les Etats-Unis ont une politique du même style, le Brexit pose ces questions aussi. Monsieur Jean-Claude Trichet, l’ancien président de la Banque Centrale Européenne, qui n’est pas un siffleur à tête d’oiseau, je me permets cette image, mes collègues comprendront pourquoi je fais cette référence, a déclaré en janvier 2018 qu’une grave crise financière était pointée à l’horizon. Il a dit : « Les explosifs sont là, il ne manque que le détonateur. ». C’est peut-être un peu exagéré, mais c’est quand même Monsieur Trichet qui parle, ça n’est pas rien. Qu’en pensez-vous ?

On parle de nouvelles bulles dans l’économie du monde, on parle de la dette étudiante aux Etats-Unis qui est une bulle potentielle, l’intelligence artificielle, vous l’avez citée, effectivement c’est une source aussi de risque je crois, on parle d’une bulle autour des gaz de schiste, enfin voilà, il y a plein de sujets.
Il y a beaucoup, beaucoup d’argent en circulation dans l’économie mondiale, et dans le même temps, on a des Etats et des entreprises privées fortement endettés aussi. Donc il y a là un paradoxe absolu, qui peut générer des crises demain. Et cet argent injecté dans l’économie, tout le monde s’accorde à dire qu’il n’a pas servi essentiellement à l’investissement productif, mais il a beaucoup nourri la spéculation, c’est-à-dire l’argent qui tourne sur lui-même.
Est-ce qu’en cas de crise demain, les Etats seront en capacité de colmater les brèches comme on l’a fait en 2007-2008 ?

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