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Démocratie parlementaire

La chronique d'Eric Bocquet - Vendredi 12 avril 2019

Il m’est souvent arrivé dans ce billet de dénoncer la limitation du pouvoir du parlement dans cette République. La période Macron ne semble pas partie pour améliorer cette situation. Le sujet a déjà été évoqué ici et la démonstration de la longue liste des verrous mis en place dans nos institutions afin de brider le pouvoir (de nuisance) des parlementaires a été faite à de nombreuses reprises.

En ce début d’année, les préparatifs de la loi de finances 2020 sont déjà engagés, la feuille de route du prochain budget de la France a déjà été envoyée à Bruxelles, à la Commission Européenne. L’Europe ne manquera pas, dès lors, de donner ses avis, évidemment dans le sens de la sacro-sainte diminution de la dépense publique, dogme absolu du néo libéralisme !

Après cela, nous aurons à subir les recommandations de la Cour des Comptes, les injonctions des marchés financiers, les opinions des agences de notation et les conseils avisés, indépendants, des économistes bien en cour de la Macronie libérale « start-upée ».

Mais, les amis, le problème c’est que le corset ne se limite pas à ces premiers éléments, il y a, dans notre propre Constitution, un article 40 qui dit ceci : « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

Cette semaine, en commission des finances au Sénat, nous avions un débat sur ce fameux article 40, toujours mal vécu par les parlementaires qui se sentent singulièrement privés de leur liberté de parlementaire. Dans les échanges, j’ai souhaité intervenir sur le côté sémantique de l’affaire. En effet, le choix des mots dans les textes constitutionnels n’est pas neutre.

Si chacun peut comprendre le libellé neutre de l’expression « diminution des ressources publiques », on peut s’interroger sur le choix des mots « aggravation d’une charge publique ». Le mot « charge » d’abord qui se distingue quelque peu du mot « dépense ». De plus, cette formulation s’appuie sur le postulat initial que, par nature, la dépense publique serait « grave » puisque l’augmenter, dixit la Constitution, reviendrait à l’aggraver. Dans un budget communal, on parle de recettes et de dépenses, pour l’Etat, la Constitution parle de « ressources » et de « charges » (on dirait du Gattaz !).

J’ai proposé que l’on engage une réforme de la Constitution en reformulant les choses ainsi, disons « augmentation de la dépense publique », voilà une formulation « neutre » sémantiquement.

Comme disait Paris Match, un temps, « le poids des mots… ».

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