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GAFA des Etats privés

La chronique d'Eric Bocquet - Vendredi 21 juin 2019

Les grands groupes du numérique américains que ces quatre lettres désignent sont-ils appelés demain à se substituer aux Etats pour diriger et organiser les sociétés ? La question pourra paraître saugrenue à certains mais beaucoup pensent qu’elle se pose très sérieusement.

Les géants du numérique sont devenus si puissants et leur domination si globale qu’ils remettent en question aujourd’hui la souveraineté même des nations. Après la presse ou la publicité, le tourisme et les transports, les plateformes siphonnent maintenant les pouvoirs jadis réservés à la puissance publique. Fiscalité, monnaie, économie, ils s’attaquent à tout.

Les résultats financiers de ces entreprises sont absolument stratosphériques. L’an passé, le groupe « Facebook » qui compte désormais 2,3 milliards d’abonnés (contre 1,6 il y a tout juste 3 ans), presque 1/3 de l’humanité, à réussi a faire progresser son chiffre d’affaires (55 milliards de dollars) de 38% et ses bénéfices (22 milliards de dollars) de 39%. Amazon a franchi allègrement la barre des 1 000 milliards de dollars (1 suivi de 12 zéros !) pour sa capitalisation boursière, une première pour une entreprise privée.

Ce glissement du pouvoir est très bien illustré par la difficulté qu’ont les Etats à faire payer des impôts à ces groupes. En 2017, Google a payé 14 millions d’euros d’impôts société en France, Apple 14,5, Amazon 8 et Facebook 1,9. Une taxation moyenne de 9% contre 23% pour les PMI/PME. Même la monnaie, qui est par excellence l’attribut essentiel de la souveraineté des Etats peut-être contestée avec le développement des crypto-monnaies (exemple le Bitcoin).

Une commission d’enquête sur la souveraineté numérique vient d’être créée au Sénat, le jeudi 16 mai 2019, elle auditionnait M. Pierre Bellanger, PDG de Skyrock et auteur d’un ouvrage intitulé « La souveraineté numérique », il déclarait ceci : « L’Internet est un projet politique, une affaire d’Etat, et, dans notre société, un sujet majeur parce qu’aucun secteur n’est épargné. » Il décrit, avec beaucoup de talent, ce nouveau monde qui ne s’ajoute pas à l’existant, il vise tout simplement à le remplacer.

Au cœur de la Silicon Valley, le berceau de ce monde, une fresque s’affiche sur la façade d’un immeuble : « We own the future » (l’avenir nous appartient).

Le but, c’est quoi les amis, émanciper ou asservir l’humanité ?

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