Questions au gouvernement

Question écrite - Réaction

La progression des dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40

Suite à la parution du rapport « CAC 40 : des profits sans partage » rédigé par Oxfam et le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne), Eric Bocquet s’est exprimé auprès de Public Sénat, et a souhaité attirer l’attention du Ministre de l’Economie et des Finances sur l’indécente progression des dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40 ces dernières années.

Vous pouvez prendre connaissance de la question écrite, puis de l’article de Public Sénat ci-dessous.

Question écrite

M. Eric BOCQUET attire l’attention de M. le Ministre de l’Economie et des Finances sur l’indécente progression des dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40 ces dernières années.

Le rapport particulièrement exhaustif édité par Oxfam France et le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne, paru le 14 mai 2018, avance des chiffres éloquents.

Rappelons que les entreprises du CAC 40 ont annoncé l’année dernière des bénéfices records qui se sont élevés à 93 milliards d’euros, en augmentation de plus de 60 % depuis 2009.

De ces bénéfices, 51 milliards d’euros ont été versés aux actionnaires qui sont pour la plupart des grands groupes, des fonds d’investissements ou des investisseurs étrangers.

Les entreprises du CAC 40 sont ainsi et de loin les plus gros payeurs de dividendes en Europe. Si l’on ramène le montant des dividendes versés au montant des bénéfices réalisés, la France est championne du monde !

Pire, alors même qu’elles affichent des pertes, certaines d’entre elles comme ArcelorMittal, valorisent tout de même leur versement de dividendes.

Autre exemple flagrant qu’est celui d’Engie, dont l’Etat est actionnaire. Cette entreprise a reversé 2,4 milliards d’euros de dividendes en 2016, alors que son bénéfice n’atteignait que 163 millions d’euros.
Belle générosité envers les actionnaires !

De 2009 à 2016, sur 100 euros de bénéfices, ces entreprises ont reversé en moyenne 67,40 euros de dividendes, 27,30 euros pour l’investissement et 5,30 euros de primes pour les salariés. La rémunération des actionnaires a progressé quatre fois plus vite que celle des salariés.
C’est particulièrement indécent notamment pour les salariés qui sont pourtant les grands contributeurs de ces sociétés.

En sus, la contraction permanente des investissements pour favoriser le versement de dividendes pénalise la croissance comme a pu le démontrer une étude de Stanford, et surtout fragilise l’économie. D’ailleurs, en 2014, M. Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie et des Finances regrettait que « beaucoup d’entreprises ont préféré servir des dividendes à l’investissement ».

Sans oublier, la perfidie de ces grands groupes cotés en bourse, qui n’hésitent pas à contourner l’impôt en détenant plus de 1 400 filiales dans les paradis fiscaux et ce, renforcé par le fameux « verrou de Bercy ».
Pour autant, cela n’est pas une fatalité. Il s’agit de se donner les moyens politiques d’inverser cette tendance mortifère et de mettre fin à cette économie prédatrice et court-termiste.

C’est pourquoi, il est demandé à M. le Ministre quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour mettre fin à ces pratiques, taxer les dividendes à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui et demain, encadrer la rémunération des actionnaires, favoriser l’investissement, revaloriser les salaires et en finir enfin avec le « verrou de Bercy » ?

Le tout, pour une vraie société du partage et pour une juste répartition des richesses.


Le CAC 40, champion du monde des dividendes reversés aux actionnaires

Article de Public Sénat du lundi 14 mai, par Guillaume Jacquot

Les actionnaires ont bénéficié des deux tiers des profits dégagés par les grands groupes français ces dernières années, selon une étude de deux ONG, dont Oxfam. Plusieurs parlementaires, de différents courants, appellent à rééquilibrer la balance en faveur des investissements et de l’intéressement.

« CAC 40 : des profits sans partage », c’est le titre choc d’un rapport rédigé par Oxfam et le Basic, le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne. Dans cette étude publiée ce lundi, les deux ONG ont scruté à la loupe la répartition des bénéfices dans les 40 plus grands groupes français depuis la crise économique de 2009.

Depuis cette date, ce sont plus des deux tiers de leurs bénéfices (67,4 %) qui ont été distribués sous forme de dividendes. Cette part reversée aux actionnaires a même plus que doublé par rapport aux niveaux observés durant les années 2000. Sur la période étudiée, restent alors 27,3 % des bénéfices qui sont réinvestis dans les entreprises, et 5,3 % accordés aux salariés, sous forme de primes ou d’intéressement.

« Les richesses n’ont jamais été aussi mal partagées », constate Manon Aubry, la porte-parole d’Oxfam France, pour qui cette « course aux résultats de court terme pour conforter les actionnaires et les grands patrons » se fait « au détriment des salariés et de l’investissement ».

« Au fou ! »

Au Sénat, c’est peu dire que les conclusions de l’étude rencontrent un écho favorable. « Même les libéraux s’inquiètent de cette réalité. Je crie ’au fou !’ Danger ! », s’alarme le sénateur (PCF) Éric Bocquet. « Ce n’est qu’une confirmation de plus de cette tendance, qu’on observe depuis 25 ans, à savoir que la part des bénéfices consacrés à la rémunération du travail diminue par rapport à celle du capital ».

Le sénateur du Nord, qui appelle à combattre les inégalités de toute « urgence », met d’ailleurs en cause les dernières réformes engagées par le gouvernement. « Je ne peux pas ne pas faire le lien entre les choix fiscaux et l’explosion des dividendes. On en distribue davantage parce qu’ils sont moins taxés », dénonce-t-il.

Un système « pernicieux »
À droite, ce déséquilibre entre le niveau des dividendes et la part consacrée à l’entreprise et aux salariés inquiète également. « Ce n’est pas normal », juge le sénateur (LR) Alain Joyandet, qui se définit comme « gaulliste social ». « On avait théorisé avec Nicolas Sarkozy quelque chose d’assez simple : un tiers des bénéfices pour financer les nouveaux investissements, un tiers aux actionnaires et un tiers aux salariés », raconte l’ancien député, qui avait défendu le principe de primes salariales exonérées de charges.

En 2011, la majorité UMP avait aussi fait adopter le principe d’une prime obligatoire à verser obligatoirement aux salariés dans les entreprises de plus de 50 personnes et qui versent des dividendes en hausse.

Tout en reconnaissant que certaines entreprises ont besoin de capitaux et s’engagent en contrepartie sur des dividendes, le sénateur de la Haute-Saône appelle à fixer des règles dans un système « pernicieux ». « Il faut rouvrir le débat sur la répartition des richesses […] Les gens ont besoin d’être considérés. L’intéressement au quotidien, le respect du salarié est important », explique ce chef d’entreprise, qui craint que le rapport ne jette l’opprobre sur la totalité des sociétés. « Il y a quand même des entreprises qui ont des politiques d’intéressement et de participation beaucoup plus justes que la moyenne sortie par Oxfam, et heureusement. »

Une « mauvaise répartition » pour le sénateur LREM Richard Yung
La part moyenne des bénéfices reversés sous forme de dividendes en France ces dernières années (environ 68 %) atteindrait même un niveau unique au monde, selon les statistiques de l’ONG Basic. « La France est championne mondiale : entre 2005 et 2015, ce sont les entreprises du CAC 40 qui ont reversé la plus grande part de leurs bénéfices aux actionnaires sous forme de dividendes », relève le rapport, qui cite une part moyenne de 55 % en Europe, et de 48 % aux États-Unis. Grande place financière, le Royaume-Uni s’inscrit aussi sous le niveau de l’Hexagone avec un taux de 60 %.

Pour le sénateur (LREM) Richard Yung, les chiffres de la France « posent problème ». « Je pense que ce n’est pas une bonne répartition. On pourrait s’attendre à ces niveaux dans l’économie américaine. Pour la France, c’est plus surprenant », réagit-il, « on voit bien que le travail est moins considéré que le capital ».

« Cela montre que la participation et l’intéressement ne sont pas du tout passés dans les mœurs », analyse le sénateur représentant les Français de l’étranger, qui plaide pour que 20 à 25 % des bénéfices soient reversés aux salariés, 30 % dans les investissements et le reste reversé aux actionnaires, soit plus ou moins la moitié. Ce serait « quelque chose de raisonnable », estime-t-il.

La répartition serait difficile à décréter par la loi, admet le sénateur, qui pense plutôt à des mesures incitatives. « On peut augmenter l’attrait de la participation ou de l’intéressement. Cela peut se faire par des mesures fiscales, et aussi en simplifier les dispositifs », explique le sénateur de la majorité présidentielle, qui vise essentiellement les PME.

Le projet de loi de Bruno le Maire, la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui doit être prochainement présenté, et qui pourrait être débattu au Sénat en octobre, devrait contenir une série de mesures pour développer l’épargne salariale.

C’est également sur ce texte que les ONG appellent le gouvernement à « reprendre la main » sur une économie qu’ils jugent « déboussolée ». Elles proposent notamment de préserver les capacités d’investissement des entreprises et d’interdire que la part des bénéfices reversée aux actionnaires soit supérieure à celle versée aux salariés.

Elles encouragent par ailleurs à limiter les écarts de rémunération au sein des entreprises, en plafonnant à un facteur de 20 le rapport entre la rémunération la plus élevée et la médiane d’une entreprise. Sur la période 2009-2016, le rapport indique que le déséquilibre le plus important a été observé chez Carrefour : son PDG a touché 306 fois plus que le salaire moyen dans l’entreprise.
moyen dans l’entreprise.

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