À la tribune

Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale

Le PLFSS revient pour un deuxième examen au Sénat

Samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre, le Sénat examinait pour la deuxième fois le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, après un premier examen avorté en raison des annonces qui devaient être faites sur l’hôpital public.

Michelle Gréaume était mobilisé durant tout ce week-end pour porter et défendre des amendements au nom du groupe CRCE.


Elle a d’abord prononcé l’intervention générale pour le groupe, en début de séance.

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mes Cher.e.s collègues,

Tout d’abord, permettez-moi d’excuser ma collègue Cathy Apourceau-Poly qui, pour des raisons familiales, ne peut être parmi nous pour intervenir ce matin.

Le 14 novembre dernier, les organisations syndicales et les collectifs des personnels de la santé étaient en grève. Devant l’ampleur de la mobilisation des blouses blanches, le Président de la République a senti la nécessité d’annoncer un « plan fort » pour l’hôpital.

Le premier ministre et vous, Madame la ministre, n’avez pas fait l’économie des superlatifs. Vous avez parlé de plan de crise pour sauver un « trésor national » et affirmé vouloir donner un « signe inédit de confiance du gouvernement envers l’hôpital public. »

Nous espérions qu’enfin, vous aviez compris qu’il fallait stopper la réduction des dépenses publiques.
Mais nous avons vite déchanté.

En définitive, il s’agissait plus de tenter d’endiguer le mouvement social, en lâchant un peu de lest, que d’apporter les réponses et les crédits à la hauteur des défis et des revendications claires et justifiées des personnels.

Vous annoncez une augmentation des crédits de l’hôpital de 300 millions d’euros en 2020, sur un budget de 80 milliards !, alors que les organisations syndicales estiment les besoins à 5 milliards d’euros par an ! Même la Fédération hospitalière de France (FHF) réclame 1 milliard d’euros par an pour réinvestir. En définitive, les économies que vous avez prévues sur le dos de l’Hôpital public seront juste un peu moins élevées. Mais de l’argent en plus, il n’y en a pas.

Vous annoncez une prime de 800 euros annuels, soit 66€ par mois, pour les infirmières et infirmiers, ainsi que pour les aides-soignantes et les aides-soignants gagnant moins de 1 900€.

Madame la Ministre, prime ne vaut pas salaire ! Les collectifs inter-urgences exigent 300 euros de revalorisation salariale par mois pour tous les personnels médicaux et paramédicaux. Vous avez préféré cibler les personnels d’Ile-de-France, alors que l’ensemble du territoire est concerné, tentant d’un même mouvement de diviser les personnels entre eux.

Enfin, la reprise de 10 milliards d’euros de la dette des hôpitaux est suspendue à une nouvelle loi qui en fixera les conditions. Mais l’essentiel est déjà connu : les établissements devront solliciter une demande de reprise partielle de dettes, qui se fera en échange d’un engagement contractuel avec l’Etat.

Vous appliquez la stratégie que le FMI applique aux pays en crise : annulation partielle de dette en échange d’une politique d’austérité en lieu et place d’un vaste plan d’investissement pourtant indispensable.

Pourtant, tous les signaux sont au rouge. En France, six hôpitaux sur dix sont désormais en déficit. Et un tiers des établissements publics sont désormais en situation de surendettement d’après la Cour des comptes.

Faut-il s’étonner de l’ampleur du mécontentement et particulièrement du 14 novembre dernier ?

Je pourrais vous parler de ma Région. Des centaines de personnels en grève ou mobilisés au Centre Hospitalier de Douai comme à celui de Tourcoing, de Valenciennes, Lille, Seclin. Je pourrai vous parler de celui de Lens, où les urgences sont en grève depuis des semaines, de beaucoup d’autres encore.

Partout, la même colère et les mêmes revendications auxquelles votre plan ne répond pas : des moyens supplémentaires pour ouvrir des lits, embaucher du personnel et revaloriser les salaires.

Vous préférez continuer à faire des cadeaux aux plus riches et faire peser l’austérité sur les plus fragiles.
Qu’il s’agisse de la désindexation des pensions de retraites et des prestations familiales, de la suppression des Indemnités Journalières pour les parents de familles nombreuses par exemple, ou de l’absence de mesures pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, votre obstination ne fait que réduire le pouvoir d’achat du plus grand nombre.

Madame la Ministre, nous vous appelons à tenir compte des propositions alternatives que nous avons construites avec nos collègues député.e.s du groupe GDR, pour en faire une proposition de loi : « Mesures d’urgence pour la santé et les hôpitaux ».

Nous l’avons déposée en septembre à votre ministère et remise en main propre par ma collègue Laurence Cohen, lors de votre audition par la commission des affaires sociales. Si vous aviez pris le temps de la lire, vous auriez vu y figurer des propositions qui sont, aujourd’hui, les principaux sujets de revendications des personnels mobilisés, comme l’augmentation du budget de la santé à hauteur de l’évolution naturelle des dépenses, la suppression de la taxe sur les salaires, ou l’instauration d’un moratoire contre les fermetures de lits, services et établissements, et la redéfinition des missions des hôpitaux de proximité.

Madame la Ministre, écoutez les personnels qui se mobilisent comme la représentation parlementaire, quand bien même elle est dans l’opposition. Cela vous éviterait de défendre un PLFSS caduc car en dehors de la vraie vie !

Je vous remercie.


Elle a ensuite défendu un amendement de suppression de l’article 3, qui prévoyait la non-compensation des exonérations de charges sociales.

Le Gouvernement justifie le principe de la non-compensation en s’appuyant sur le rapport Charpy-Dubertret - qui n’a fait l’objet d’aucune approbation par le Parlement... Je rappelle que cela représente 66 milliards d’euros en 2019. C’est un très gros manque à gagner. Les relations entre l’État et la sécurité sociale sont devenues complexes, mais l’argent coule toujours dans le même sens : des comptes sociaux vers le budget de la Nation.


Elle est ensuite intervenue sur la régulation des dispositifs médicamenteux innovants, notamment en cardiologie et en orthopédie, en défendant un amendement sur l’article 15.

L’article 15 prévoit une régulation des dispositifs médicamenteux innovants, notamment en cardiologie et en orthopédie. Nous avons tous en tête le scandale des Implant Files révélé par Le Monde il y a un an. Le journal avait mis en évidence des défaillances dans l’accès au marché des dispositifs médicamenteux, et un manque de traçabilité et de contrôle. Réduire le coût des médicaments pour les hôpitaux est bienvenu, mais la mesure n’intervient qu’en dernier ressort. Si l’on veut que les industriels réduisent leurs marges, il faut une régulation forte. Cet amendement rétablit donc un pôle public de médicaments. Les industriels ont reçu 6 milliards d’euros en 2019 via le pôle de compétitivité. La clause de sauvegarde devra être beaucoup plus contraignante.


Un amendement de suppression sur l’article 18 :

L’article 18 prévoit une compensation incomplète de l’État à la sécurité sociale des pertes de recettes qu’il lui fait supporter. L’élargissement des allègements généraux aux cotisations de retraite complémentaire et aux contributions d’assurance chômage coûtera très cher ; le Gouvernement évoque par ailleurs la nécessité de rétablir les équilibres financiers. Le problème, ce sont peut-être tous ces allègements et exonérations.


Amendement sur l’article 33 :

Madame la Ministre,
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,

Cet article instaurant une prise en charge intégrale des frais liés à la contraception pour l’ensemble des mineures est bien évidemment le bienvenu. L’utilité d’une mise à disposition gratuite de moyens de contraception n’est plus à démontrer.

Le département du Nord et mon arrondissement du Valenciennois plus particulièrement sont très concernés par les grossesses précoces. Si la prise en charge intégrale des frais liés à la contraception est une initiative plus qu’appréciée, elle ne saurait toutefois se suffire à elle-même. Il est impératif que cette mesure soit doublée d’actions de prévention en santé sexuelle.

Ce rôle est parfois endossé par les centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI), en maternité ou en ville, qui mènent des actions de planification familiale. Les hôpitaux et maternités sont généralement des établissements accessibles en transport en commun, qui facilitent, par leur localisation particulière et sou-vent éloignée des centres-villes, le maintien de l’anonymat, favorisant l’accessibilité des mineurs à leurs services. Or, dans le Nord, la fermeture de 4 PMI en maternité a été annoncée.

Comment assurer la mise en œuvre d’une telle politique, alors que les lieux ressources disparaissent petit à petit ?

Il est ainsi urgent de prendre des mesures pour assurer le maintien de ces services médico-sociaux, car le remboursement de la contraception s’avère peu utile si les infrastructures les mettant à dis-position se retrouvent progressivement fermées.


Amendement sur article 38 :

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) finance la prise en charge en Belgique de
personnes handicapées françaises. Quelque 8 000 Français sont hébergés en Belgique - 1 500 enfants et 6 500 adultes -, véritable exil médical dû à une carence en France. La moitié des personnes concernées sont autistes. L’hébergement en Belgique n’est pas un choix ; chaque année, 5 000 Français sont
contraints à cet exil médical. La République n’est pas capable d’accueillir correctement ces personnes sur son territoire. Quelque 90 millions d’euros sur trois ans sont prévus pour éviter les départs. Fort bien, mais est-ce suffisant pour, en outre, organiser le retour de ceux qui le souhaitent ? Le chantier est de grande ampleur.


Amendement sur article 41 :

Cet article supprime l’obligation de certification de non-contre-indication à la pratique des sports pour les mineurs, afin de favoriser la pratique sportive. La visite n’est pas remboursée. Or c’est parfois la seule visite annuelle chez un médecin, et elle est une occasion pour faire de la prévention. Il y a 500 postes de médecine scolaire vacants. On met bout à bout des économies de bouts de chandelle.


Amendement sur article 45 :

Il y a 8,3 millions d’aidants, dont la moitié sont salariés. Cet article créant une allocation journalière afin de les indemniser est bienvenu mais insuffisant. Il faudrait que la durée d’indemnisation puisse être prolongée au-delà de trois mois, dès lors que le congé peut être reconduit. Le député Pierre Dharréville a conduit une mission à l’Assemblée nationale sur le sujet, prolongée par Mme Guidez au Sénat.

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