À la tribune

Intervention générale

Michelle Gréaume à la tribune sur le démarchage téléphonique et les appels frauduleux

Ce jeudi 4 mars 2020, le Sénat examinait la proposition de loi "Démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux". Michelle Gréaume s’est exprimé au nom du groupe CRCE sur cette proposition.

Merci Madame la Présidente,
Messieurs les Rapporteurs,
Madame la Secrétaire d’Etat,
Mes chers collègues,

Nous arrivons je l’espère en bout de chaîne de cette proposition de loi de nos collègues du groupe UDI. Ce texte, s’il ne réglera pas tous les problèmes, peut marquer une étape supplémentaire dans la protection des citoyens et la lutte contre le démarchage subi.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une contrainte, pour ne pas dire une plaie, pour un grand nombre de nos concitoyens.

Vous vous levez le matin et allumez votre télévision ou votre radio : publicité. Vous lisez votre journal, vous surfez sur internet : publicité. Vous vous rendez sur votre lieu de travail : publicité dans les transports et les rues. Et quand vous pensez pouvoir être tranquille, c’est votre téléphone qui sonne à répétition.
Au final, qui paie les conséquences de cette stratégie agressive ?

En premier lieu, j’y reviendrai plus longuement lors de la présentation d’un amendement, les salariés du secteur. Mal rémunérés, mis en concurrence, surveillés jusqu’à l’extrême et totalement déshumanisés, ces derniers sont pris entre le marteau et l’enclume, avec d’un côté les méthodes scandaleuses des directions et de l’autre, les réactions parfois virulentes des personnes contactées.

En second lieu, les citoyens. Tout le monde dans cet hémicycle a eu affaire à 20 appels dans la journée d’un numéro qu’il ne connait pas, pour lui vendre quelque chose dont il n’a ni envie ni besoin. Tout le monde dans cet hémicycle a eu affaire à un démarcheur particulièrement insistant, espérant obtenir gain de cause par lassitude. Et cela sans compter toutes les arnaques dont sont victimes souvent les personnes les plus vulnérables.
Le tout pour une utilité économique et sociale qui est loin d’être évidente. De plus en plus se pose dans le débat public la question de ces « petits métiers », souvent aliénants, qui pourraient disparaitre sans que la société ne vacille sur sa base. Il est certain que le démarchage téléphonique entre largement dans cette catégorie, car quelle est la finalité de cette activité ? La libre information et le conseil des clients ? Quiconque a déjà eu à répondre à l’appel d’un démarcheur sait bien que c’est faux. La préservation de l’emploi ? Il est vrai que le secteur emploie 56 000 personnes en France et rapporte plus de 2 milliards d’euros par an. Mais pour qui, pour quoi, pour quelle utilité sociale ?

D’ailleurs, quitte à parler d’emploi, parlons un peu de la pratique, plus répandue que dans la majeure partie des autres secteurs de la délocalisation et de la sous-traitance dans les pays francophones, ou au droit du travail plus faible.
Le développement des pays du Sud, puisque cet argument revient. Quelle indignité ! Il me semble que si l’ambition française de coopération économique consiste à exploiter et sous-payer des salariés, très souvent des jeunes diplômés dans des postes peu qualifiés, nous allons au-devant de graves problèmes en matière de développement économique et social des pays en question.

Face à cette situation, le législateur a pris des mesures. La plus emblématique d’entre elles, c’est la création des listes d’opposition. La liste rouge de 1978, puis Pacitel en 2011, et enfin Bloctel en 2016.

Malheureusement, nous sommes restés au milieu du quai. Bloctel, quelque part, illustre bien la faiblesse organisée de la régulation du secteur. La première faiblesse tient à son principe même : faire opposer la régulation du démarchage sur l’initiative du consommateur laisse toujours sur le bas-côté les personnes non informées ou ne maîtrisant pas l’outil. L’accord préalable du consommateur à tout démarchage téléphonique doit être la norme, et non l’exception.
La seconde faiblesse, c’est celle du moyen de contrôle et de sanction. N’oubliez pas que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes voit fondre, depuis plusieurs années, ses effectifs et ses dotations.

Comment expliquer autrement que plus de 200 000 inscrits sur Bloctel se plaignent encore de démarchage agressif ? Comment expliquer autrement que les entreprises rechignent toujours autant à nettoyer leurs fichiers de contacts ?

Est-ce que cette proposition de loi, à l’heure actuelle, répond à la problématique du démarchage téléphonique ? Non, car c’est toute la philosophie du secteur qu’il faut reprendre. Pour ne prendre qu’un exemple, croyez-vous vraiment qu’un démarcheur va prendre le temps d’informer son correspondant de ses droits, de présenter Bloctel, alors que son appel est minuté et scruté par sa hiérarchie, comme l’ont montré plusieurs enquêtes ?
Est-ce que cette proposition de loi aggrave la situation ? Non et même mieux, elle permet à la marge d’améliorer la protection des consommateurs, notamment contre les arnaques aux numéros surtaxés.
Est-ce que cette proposition de loi peut encore être améliorée ? Oui, assurément. Et notre groupe a déposé plusieurs amendements en ce sens. C’est pourquoi il réserve pour l’instant son vote.


Elle a ensuite défendu les deux amendements déposés par le groupe CRCE.

L’amendement n°1 tout d’abord :

Suivi de l’amendement n°4 :

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