Chroniques

Où on en apprend de bien belles !

La chronique d'Eric Bocquet - Vendredi 26 juin 2020

Où ça ?

À la commission d’enquête du Sénat consacrée aux concessions d’autoroutes, privatisées depuis 2006. Elle comprend 21 membres issus de tous les groupes politiques, j’y suis en tant que représentant de notre groupe communiste CRCE. Les travaux ont débuté en février, le rapport final sera rendu fin septembre. J’ai toujours particulièrement apprécié les travaux de commission d’enquête, il en sort souvent quelque chose. Un sujet comme celui-ci vous permet vraiment de soulever le capot du véhicule capitaliste, d’en comprendre toutes les pièces et le fonctionnement, et pourtant je suis complètement nul en mécanique.

Ainsi, en mars, juste avant le confinement, nous eûmes l’occasion d’auditionner M. Gilles de Robien, Ministre de l’Equipement et des Transports à l’époque de la privatisation. Je lui pose cette question très simple : « Monsieur le Ministre (il garde le titre), quelle était la raison profonde de cette privatisation ? » Sa réponse le fut tout autant : « Purement financière ». Au moins, c’est clair. La semaine dernière, la commission d’enquête avait convoqué M. Christian Descheemaeker, ancien magistrat de la Cour des Comptes qui avait comme responsabilité de suivre les marchés de concessions.

Aujourd’hui à la retraite, il parle avec une certaine liberté qui fait plaisir à entendre. Il nous explique, par exemple, que lorsqu’il recevait les sociétés d’autoroutes, il se sentait seul contre tous, ayant en face de lui un front uni et solidaire. Rapport de force très défavorable. Il raconte, un peu plus loin, qu’un certain rapport de 2014 était introuvable à l’époque, il faut l’accord du cabinet du Ministre, voire plus haut. Il décrit aussi la difficulté de repérer les sociétés de travaux publics qui sont en fait des filiales des grands groupes comme Vinci ou Eiffage.

Les autres sociétés qui viendraient à s’en plaindre seraient ipso-facto « blacklistées ». Au fait, j’ai regardé le site de Vinci et ai découvert que leur Direction Grands Projets a son siège à Doha au Qatar qui est d’ailleurs actionnaire du groupe. Enfin, si un fonctionnaire exerçait un contrôle un peu trop zélé, le grand patron passerait un coup de fil « au plus haut niveau », suivez mon regard, et ce fonctionnaire verrait l’avenir d’une brillante carrière largement compromis. C’est en France, au XXIème siècle… Je vous raconterai la suite en septembre…

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