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Retour sur le Goncourt 2017…

La chronique d'Eric Bocquet - 26 janvier 2018

Achat et lecture du dernier Goncourt, « L’ordre du jour » d’Éric Vuillard. Un récit des coulisses de l’avènement du régime nazi dans l’Allemagne des années 1930.

Le récit s’ouvre sur une réunion secrète tenue au Reichstag, le Parlement, le 20 février 1933 entre 24 représentants de l’industrie allemande, Hitler et Göring. Citons le récit : « Messieurs, vous venez d’entendre le Chancelier Hitler, nous voulons une victoire aux élections du 5 mars pour stabiliser l’économie de l’Allemagne, éradiquer les communistes et les opposants et supprimer les syndicats et permettre à chaque patron d’être un Führer dans son entreprise ». C’est ainsi que le président du parlement Göring s’adresse aux 24 industriels et banquiers convoqués à cette réunion. Tous crachèrent au bassinet pour financer le NSDAP, le parti nazi. Ces groupes industriels s’appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Tous ces noms, nous les connaissons tous. Ils sont nos voitures, nos machines à laver, la pile de notre montre… Éric Vuillard les énumère, le haut Clergé de l’industrie fut converti, les opposants furent réduits au silence, c’est à cette époque que le camp de Dachau ouvrit pour les recevoir.

Et puis il y eut les lâchetés et les capitulations des puissances étrangères. L’Autriche annexée en février 1938 puis la Conférence de Munich au cours de laquelle la Tchécoslovaquie fut sacrifiée aux appétits allemands avec l’aval des représentants français et britanniques, Daladier et Chamberlain. Tous deux proclamèrent que la paix avait été sauvée… A sa descente d’avion, Daladier aurait eu ces mots devant la foule en liesse venue l’accueillir : « Ah les cons, s’ils savaient ! ». Et puis, il faut bien le dire, la guerre fut très rentable pour les industriels allemands, en finançant le parti nazi et Hitler, ils avaient en fait investi… et l’auteur de nous citer les cas de manière détaillée : « Bayer afferma de la main d’œuvre à Mauthausen. BMW embauchait à Dachau… IG Farben recrutait à Dora-Mittelbau… Schneider à Buchenwald… Siemens à Ravensbrück. Tout le monde s’était jeté sur une main d’œuvre si bon marché ». Ces propos nous donnent la nausée.

On se demande parfois comment une telle horreur a pu se produire au cœur de l’Europe civilisée. Le nazisme, l’extermination des juifs ne sont pas apparus sans les soutiens coupables de grands groupes. Éric Vuillard écrit à la page 150 de son livre, dans les toutes dernières lignes : « On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme », on veut y croire, mais ce monde chaotique nous donne parfois de telles sueurs froides !

Non, ce pacte avec le diable n’est pas sorti du néant…

Bonne lecture !

Retrouvez la chronique d’Eric Bocquet chaque semaine dans Liberté Hebdo

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