Questions au gouvernement

Question écrite avec réponse

Situation alarmante de la médecine scolaire

M. Éric Bocquet attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur la situation inquiétante de la médecine scolaire, selon un rapport de l’Académie nationale de médecine du 24 octobre 2017 particulièrement alarmant.

La médecine scolaire se trouve dans une situation critique avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les élèves. Il y a eu un effondrement du nombre de médecins de l’éducation nationale de l’ordre de 20 % de 2008 à 2016.

En 2016, l’éducation nationale comptait ainsi 1 035 médecins pour plus de 12 millions d’élèves.

Cette situation difficile risque de se dégrader, car l’âge moyen des médecins est de 54,8 ans. De nombreuses visites médicales « passent à la trappe » et des problèmes de santé sont détectés parfois très tardivement, pénalisant d’autant plus les familles les plus modestes ou celles vivant dans les territoires ruraux qui souffrent déjà de la désertification médicale.

Le rapport de l’Académie de médecine indique qu’en moyenne seuls « 57 % des enfants ont eu un examen de santé pratiqué par un médecin ou par une infirmière en 2015 ». Nous le voyons bien, les conséquences de l’absence de prise en charge des troubles des apprentissages peuvent être dramatiques. Notons encore que la profession n’est pas attractive en termes de traitement, de conditions de travail et de faible reconnaissance professionnelle.

Ainsi, 270 postes de titulaires restent aujourd’hui vacants et l’on compte des départements ruraux qui n’ont plus de médecin scolaire. Dans le département du Nord, l’inspection académique annonce la vacance de 40 postes de médecins scolaires sur un total de 80. La pénurie est telle que des communes comme Paris, Nantes ou Lyon, ont recruté des « médecins scolaires municipaux » pour leurs écoles maternelles et élémentaires.
Voilà d’ailleurs là une nouvelle démonstration des transferts de charges déguisés de l’État vers les collectivités locales. L’avenir de la santé à l’école est donc menacé et pourrait s’apparenter demain, si rien n’est fait, à un scandale sanitaire. Il a d’ailleurs reconnu cette difficulté devant l’Assemblée nationale et propose de mobiliser des médecins non scolaires.

Or, cela reste très ponctuel et ne résout pas le problème dans la durée. Surtout, « on déshabille une nouvelle fois Pierre pour habiller Paul ». La médecine scolaire doit s’inscrire dans une véritable politique de santé publique car elle est un maillon essentiel de la politique de prévention. Son rôle est essentiel au sein de l’établissement dans le cadre de l’identification des troubles du développement, du langage ou de l’apprentissage, de la prévention mais aussi pour les mesures d’intégration des élèves souffrant d’un handicap ou d’une maladie chronique.

Face à ce constat particulièrement inquiétant, il lui demande de préciser quelles sont les actions pérennes qui seront mises en œuvre pour remédier à cette difficulté et pour pourvoir au manque alarmant de médecins scolaires dans les établissements.

Réponse de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

Si le déficit de médecins scolaires est en effet préoccupant, des mesures ont été prises et d’autres sont en réflexion pour remédier à cette situation.

Suite à la réflexion engagée en 2015 sur les métiers de l’éducation nationale, plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour développer l’attractivité de la profession de médecins scolaires :

  • le régime indemnitaire des médecins de l’éducation nationale a été amélioré en 2015 dans le cadre du passage au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expérience et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) ;
  • les médecins de l’éducation nationale conseillers techniques ont également bénéficié d’une revalorisation et d’une harmonisation des niveaux indemnitaires au sein des groupes de fonctions ;
  • le déroulement de carrière a été amélioré grâce à l’augmentation du nombre de médecins de l’éducation nationale pouvant accéder à la première classe du corps ;
  • enfin, des instructions ont été données aux académies afin de relever le niveau de salaire de primo-recrutement des médecins contractuels jusqu’à l’indice majoré minimum de 582, soit une hausse de plus de 4 700 € par an.

L’accueil et le tutorat d’internes en médecine dans les services de médecine scolaire a été également amélioré, de manière à augmenter le vivier de candidats aux concours. Les médecins tuteurs des internes sont désormais rémunérés à hauteur de 600 € par an et par interne encadré.

D’autre part, afin de renforcer l’attractivité de la profession, une formation spécialisée transversale (FST) médecine scolaire a été créée en avril 2017, lors de la réforme du troisième cycle des études de médecine. Cette FST est rendue accessible aux étudiants en troisième cycle des études de médecine en spécialité de pédiatrie, de médecine générale et de santé publique. Cet enseignement universitaire permettra de mieux faire connaître cette profession aux étudiants, ainsi que l’importance de la prise en compte de la santé à l’école.

Le service sanitaire, déployé à partir de la rentrée 2018, permet également aux étudiants de découvrir cette profession. Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse attend un effet positif des mesures en faveur de l’attractivité. Les postes vacants sont maintenus dans le budget du ministère et des rectorats.

Par ailleurs, le ministère vient d’équiper les médecins d’une nouvelle application numérique nommée Esculape qui supporte le nouveau dossier médical scolaire. Cette modernisation vise à améliorer le suivi des élèves et à faciliter le travail de ces professionnels.

Pour répondre aux enjeux de santé publique, la promotion de la santé se déploie à l’école, de la maternelle au lycée, selon l’article L. 541-1 du code de l’éducation. Les élèves bénéficient, au cours de leur scolarité, d’actions de prévention et d’information, de visites médicales et de dépistage obligatoires, qui constituent leur parcours de santé dans le système scolaire.

Les élèves bénéficient également d’actions de promotion de la santé constituant un parcours éducatif de santé. Ces actions favorisent leur réussite scolaire et la réduction des inégalités en matière de santé. Il y a là une démarche interdisciplinaire intégrée aux enseignements en dépassant une approche biomédicale.

C’est l’ensemble des membres de la communauté éducative qui participe au déploiement des actions de promotion de la santé en impliquant les familles et les élèves eux-mêmes. Les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), instances locales de pilotage du parcours éducatif de santé, ont vu leurs missions et leur déploiement territorial renforcés par la circulaire n° 2016-114 du 10 août 2016 relative à la gouvernance et la cohérence des actions éducatives.

À l’échelle nationale, une convention cadre de partenariat entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère des solidarités et de la santé, signée en novembre 2016, définit le programme commun d’actions au niveau national comme régional. Ce partenariat doit permettre de répondre aux besoins locaux dans une approche globale des questions de santé portant sur les dimensions éducatives, sociales et sanitaires, y compris pour les jeunes porteurs de maladies chroniques, en situation de handicap ou les plus vulnérables sur le plan social.

Enfin, dans le plan national de santé publique (PNSP), outil opérationnel de la stratégie nationale de santé (SNS) 2018-2022, il est prévu deux mesures phares relatives à la promotion de la santé à l’école :

  • l’école promotrice de santé : il s’agit d’une démarche visant à développer des écoles, collèges et lycées promoteurs de santé, intégrant systématiquement un plan pour la santé et le bien être des élèves et des personnels afin de favoriser un environnement bienveillant, un climat de confiance et de réussite et de développer les compétences psychosociales de chacun lui permettant de faire des choix éclairés en matière de santé et d’avoir confiance en sa capacité à réussir et à progresser ;
  • un parcours de coordination renforcée 0-6 ans santé-accueil-éducation : les données disponibles montrent que les inégalités de santé sont déjà installées avant l’âge de 6 ans, voire dès l’âge de 3 ans, au regard de déterminants tels que la surcharge pondérale, l’exposition au tabac, l’exposition aux écrans ou à un environnement défavorable (offre langagière, maltraitance…).

Sans une action précoce dès les premières années de vie, ces inégalités de santé persistent et nuisent à la réussite scolaire des enfants, augmentant en retour les inégalités sociales. Il est proposé dans le PNSP d’expérimenter la mise en oeuvre de ce parcours sur plusieurs territoires à la rentrée 2019 puis de le généraliser.
Le déploiement du parcours doit se faire en appui sur les conventions ARS-rectorats renouvelées, qui devront donner la priorité à ce parcours. Le travail partagé et coordonné entre la médecine scolaire, la PMI et les professionnels de santé sera développé, au profit de la détection de troubles ou maladies risquant d’affecter l’adaptation en milieu scolaire et les apprentissages des enfants.

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