Questions au gouvernement

Question écrite avec réponse

Situation alarmante des forces de sécurité intérieure

M. Éric Bocquet attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur sur la situation alarmante des forces de sécurité intérieure.

En effet, une commission d’enquête sénatoriale sur l’état des forces de sécurité intérieure a remis son rapport n° 612 (2017-2018) intitulé « Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine » le 27 juin 2018.
Ledit rapport évoque la situation alarmante de l’ensemble des forces de sécurité intérieure (police, gendarmerie, administration pénitentiaire). Il y est relevé le profond malaise des agents qui souffrent des rythmes de travail dégradés (le stock d’heures supplémentaires a augmenté de près de 19 % depuis 2015), des situations de suicide (50 policiers et 17 gendarmes se sont suicidés en 2017), d’un management éloigné du terrain, et du fossé qui se creuse avec les citoyens.

De plus, les agents sont davantage exposés à la violence que par le passé. « Malaise », « mal être », « perte de sens », « démotivation », « découragement » sont les mots qui ressortent le plus des rencontres auprès des policiers, gendarmes et gardiens de prison sur le terrain. Le manque de moyens humains est prégnant.

En 2017, notre pays, aux près de 65 millions d’habitants, ne comptait que 95 587 gendarmes et 148 670 policiers. Les problèmes matériels sont nombreux (parc automobile vieillissant, pénurie de munitions qui empêche de faire le nombre minimal de tirs d’entraînement, parc immobilier dégradé, ). Les agents ressentent un véritable mépris de l’administration centrale à leur encontre. Bien aveugle est celui qui ne voit pas que de réels besoins humains et matériels sont nécessaires pour soulager les services de sécurité. En matière de formation comme d’accompagnement, des efforts importants doivent être consentis.

C’est pourquoi il lui demande quelles mesures seront prises dans les prochaines semaines pour mettre fin à cette situation particulièrement alarmante, pour que les agents soient mieux considérés, et pour un service public de sécurité intérieure juste et efficace.

Réponse de M. le ministre de l’intérieur

Les forces de l’ordre assurent chaque jour, avec dévouement et courage, le respect de la loi républicaine et la protection de nos concitoyens, dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. Elles font, de plus en plus, l’objet de violences et de menaces. Policiers et gendarmes sont en outre soumis à un rythme d’emploi exceptionnel du fait des enjeux : menace terroriste, crise migratoire, situation exceptionnelle sur le plan de l’ordre public depuis plusieurs semaines, etc.

Tout doit être mis en oeuvre pour leur garantir des conditions de travail satisfaisantes et leur donner les moyens de remplir leurs missions dans de meilleures conditions d’efficacité et de sécurité. La sécurité a été érigée par le Gouvernement au rang de priorité. Le budget des forces de l’ordre augmente en 2019 de 330 M. Sur le plan immobilier, si important pour les conditions de travail, un budget de 900 M entre 2018 et 2020 correspond à un effort majeur qui va directement améliorer les conditions de travail des policiers et des gendarmes.

Par ailleurs, 10 000 postes de policiers et de gendarmes seront créés durant le quinquennat. La sécurité passe aussi par des dispositions juridiques permettant de protéger chaque fois que nécessaire l’identité des personnels. D’importants progrès ont été accomplis avec l’entrée en vigueur en avril 2018 des mesures de protection de l’anonymat des policiers et des gendarmes dans les procédures judiciaires sensibles.

Par ailleurs, le formalisme procédural et les missions périphériques entravent l’action des policiers et des gendarmes. Une nouvelle dynamique a donc été impulsée pour accélérer la suppression des tâches indues.

Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en cours d’examen au Parlement va en outre faciliter le travail opérationnel des policiers et des gendarmes.
Un processus de transformation numérique de la chaîne pénale a également été engagé.
Lancée en février 2018, la police de sécurité du quotidien (PSQ) replace le service du citoyen au cœur de l’action et permet aux forces de l’ordre de se réapproprier la voie publique et de se concentrer sur leurs missions prioritaires : le service de la population et la lutte contre la délinquance du quotidien. La PSQ se traduit également par une volonté de « réinvestir » les quartiers sensibles, avec la montée en puissance d’ici 2020 de « quartiers de reconquête républicaine » - dont les 15 premiers ont été lancés en septembre 2018. 30 QRR supplémentaires seront créés dès 2019, dont certains en zone gendarmerie.
Les questions de sécurité, d’hygiène et de santé des personnels constituent également des enjeux de premier plan.
En concertation avec les organisations syndicales, l’administration poursuit en particulier son action pour s’efforcer de toujours mieux détecter et prévenir les suicides et leurs tentatives. Ce sujet, éminemment dramatique et complexe, est une préoccupation majeure du ministère de l’intérieur qui conduit de longue date une politique volontariste en la matière.
En police nationale, le plan d’amélioration des conditions de travail a été largement refondé fin 2017 pour devenir le « programme de mobilisation contre le suicide ». Divers groupes de travail, chargés d’en décliner de manière concrète les mesures, ont été mis en place et devraient terminer leurs travaux durant le premier trimestre 2019.

Plus largement, la réponse passe aussi par des actions, destinées à redonner du sens à la vocation des policiers. Elle implique ainsi des mesures destinées à favoriser la cohésion et les solidarités au sein des services, ainsi que le bien-être au travail. Un management humain et moderne, une communication interne au plus près des agents et des relations interpersonnelles denses sont à cet égard des enjeux clairement identifiés.
Dans la gendarmerie, le plan de prévention du risque suicidaire, présenté au ministre en février 2018, est construit sur trois niveaux de prévention (primaire : poursuivre et renforcer la politique de prévention des risques psychosociaux (RPS) engagée depuis 2013 ; secondaire : former l’encadrement et sensibiliser l’ensemble des personnels ; tertiaire : renforcer l’accompagnement et la prise en charge psychologique des personnels).
La dernière action menée a été une journée de réflexion autour de la prévention de ce risque. Articulée sous la forme de quatre tables rondes thématiques (état des lieux, regards croisés, communication responsable, nouvelles perspectives), elle s’est déroulée à la direction générale de la gendarmerie nationale le 15 novembre 2018. Elle a rassemblé 240 personnes (professionnels de l’accompagnement, directeurs, commandants de formations administratives, instances représentatives du personnel civil comme militaire, associations professionnelles).

Une démarche à la fois quantitative (réalisation d’un sondage auprès de 25 000 personnels) et qualitative (réalisation d’états des lieux au niveau local des situations professionnelles fragilisantes) a par ailleurs été menée pour identifier les situations à risque pour la santé mentale et physique des personnels. L’ensemble des facteurs de risque pouvant générer du mal-être collectif ou individuel ont ainsi été identifiés et pris en compte dans le cadre d’une démarche complète de prévention des RPS et d’amélioration de la qualité de vie au travail, renforcée depuis 2013 au profit de l’ensemble des personnels.
L’analyse des situations professionnelles fragilisantes identifiées dans chaque formation administrative constitue le plan de prévention des RPS en gendarmerie.

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