La commission des Finances du Sénat auditionnait en visioconférence cette semaine M. Robert Ophèle, le Président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), le gendarme de la finance qui vient de publier, comme chaque année, son rapport d’activité. Confinement oblige, temps disponible pour lire en détail les 150 pages du document.
Je comprends que l’AMF est financée non pas par de l’argent public mais par des contributions des entreprises financières que cette autorité contrôle. C’est un peu comme si l’arbitre de la finale de la Coupe du Monde de football était salarié de l’une des deux fédérations concernées ! J’interroge le Président sur ce point de cette manière : « Vous êtes financés par ceux-là même que vous supervisez, contrôlez et, à l’occasion, sanctionnez… Sa réponse : « Ces contributions sont encadrées par la loi » ? Ah bon, ça nous rassure !
Cette autorité dispose de 475 salariés, en 2017 le prédécesseur de M. Ophèle, M. Rameix, à l’époque déclarait dans une interview à Challenges, le 25 janvier 2017 : « L’AMF devrait réduire drastiquement ses dépenses et diminuer ses actions de régulation si son budget n’était pas relevé en 2018 ».
Je questionne donc M. Ophèle afin de savoir s’il estime suffisants les moyens qui lui sont alloués. Sa réponse : « On peut toujours demander plus… », il nous précise qu’il doit contrôler l’activité de 10 000 fonds représentant un total de capital de 2 trillions (1 trillion égal 1 milliard de milliards, 1 suivi de 18 zéros !). La France dispose-t-elle d’un bon outil pour réguler cette finance hypertrophiée ? A l’évidence, non. Reflet de la volonté politique défaillante.
Et puis je me suis amusé à aller voir un peu la composition du collège qui gère l’AMF. Il comprend 16 membres parmi lesquels figurent 7 personnes qui ont, à un moment de leur carrière, travaillé dans des banques (Crédit Suisse, BNP, Société Générale, UBS…).
J’interroge M. Ophèle sur le sujet : « Lorsque vous avez à traiter des dossiers concernant les banques dont sont issus certains de vos collègues, comment évitez-vous les potentiels conflits d’intérêts ? » Sa réponse : « C’est une force pour l’AMF de disposer de toutes ces expertises diverses, il y a des règles déontologiques. Dans le cas des conflits d’intérêts, il existe des procédures de retrait ». Point. M. Ophèle nous quitte à 16h, horaire impératif, il a une réunion (un « call ») avec Hong-Kong et New-York, cet horaire permettant à tous de participer à l’échange à une heure raisonnable compte tenu des décalages horaires.
Ma conclusion est celle-ci, la finance n’est pas régulée, elle est pilotée, coordonnée… Foutez-lui la paix !