Chroniques

Règlement de compte à OK Corral

La Commission des Finances est très souvent un lieu de débat passionnant, je dois dire que l’on ne s’y ennuie jamais. Ainsi, la semaine dernière, une audition avait été organisée après les nouvelles révélations de la presse sur le scandale de l’évasion fiscale liée au paiement des dividendes. Nous avons invité Mme Givry, de l’Autorité des Marchés Financiers, Mme Lemasson, avocate spécialiste en droit pénal des affaires dans un grand cabinet, M. Iannucci, chef du service juridique et du contrôle fiscal à Bercy et enfin M. Etienne Barel, directeur général délégué de la Fédération bancaire française, sachant qu’aucune des banques impliquées dans ce scandale n’a « accepté » l’invitation (Société générale, BNP, Crédit agricole et Natixis). Déjà, ça en dit long.

Un rappel d’abord sur ce scandale, dénommé par la presse « CumEx Files », en 2018. Le système est le suivant, des détenteurs d’actions se délestent, se débarrassent, de leurs actions à la veille du versement des dividendes. Ainsi, des banques se font les intermédiaires temporaires de cette opération en possédant quelques jours ces actions en lieu et place du véritable détenteur. Les actions sont ensuite restituées à leurs propriétaires initiaux. La banque reçoit au passage une commission.

Cette manœuvre illégale permet aux actionnaires d’échapper à l’impôt. Un véritable casse qui a coûté en Europe 140 milliards d’euros aux Etats membres, 33 milliards pour la France, le pays le plus impacté par cette évasion fiscale, car il faut bien appeler les choses par leur nom. Durant l’audition, M. Iannucci présente un graphique où apparaissent clairement les hausses spectaculaires des courbes de cessions d’actions aux banques complices la veille du paiement des dividendes. L’affaire fut révélée en 2016 par Le Monde, puis à nouveau cette année, le 18 octobre dernier, par le même quotidien. Ce qui signifie clairement qu’entre-temps, le gouvernement n’a pas agi pour contrecarrer ces pratiques illégales. A l’époque, le Sénat, unanime, avait adopté un amendement visant à empêcher ces agissements. Cet amendement fut diminué dans sa portée par l’Assemblée nationale, la majorité « En Marche »… avec le résultat que l’on constate aujourd’hui.

A la fin de l’audition, nous avons assisté à un événement rare dans une audition. M. Iannucci a indiqué que 7 banques faisaient l’objet d’une enquête ; une banque a reconnu les faits, les 6 autres sont dans le déni.

Et puis cette phrase hallucinante du responsable du contrôle fiscal à Bercy : « Je n’apprécie pas que la Fédération bancaire française intervienne auprès des ministres pour dire que les enquêteurs du fisc font n’importe quoi. » Silence. Le lendemain, la Fédération bancaire française adressait un mail au Bureau de la Commission des Finances (dont je fais partie) pour l’inviter à un déjeuner le 11 janvier prochain.

Influence, lobbying, au secours !

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