Phénomène désormais structurel, elles ont été multipliées par 30 en 10 ans.
Les causes sont connues et la première d’entre elles est la dépendance de principes actifs produits en Asie du Sud et de l’Est, pour les matières premières pharmaceutiques.
Mais aujourd’hui, nous sommes interpellé ·es par la pénurie d’antibiotiques, celle qui touche en particulier l’amoxicilline, utilisé en priorité chez l’enfant pour le traitement de certaines infections (otites, pneumonie…). Nous sommes en colère car l’alerte avait été donnée aux Etats-Unis, au Canada ainsi que dans plusieurs pays européens, touchés depuis plusieurs mois, sans que notre gouvernement n’anticipe cette nouvelle crise.
Des mesures de contingentement et de remplacement par d’autres spécialités sont demandées aux laboratoires. Mais les produits de substitution risquent eux aussi de connaître des tensions, comme nous mettent en garde la Société française de pédiatrie ou encore l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament)
Comment en sommes-nous arrivés là ? Les raisons sont multiples. La guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie ainsi que des transports ont eu, sans nul doute, des répercussions sur les sites de production de matières premières, entrainant la fermeture de certains d’entre eux.
Mais le plus révoltant est de constater que les grands laboratoires pharmaceutiques ont encore et toujours les mains libres pour décider des politiques de santé. Considérant les antibiotiques peu rentables, ils produisent peu, créant ainsi les pénuries.
Rien n’est inéluctable, ce sont les choix politiques ultralibéraux qui nous conduisent à cette situation., d’autres choix sont possibles !
Dans les années 80, la France comptait près de 470 entreprises de production du médicament. Aujourd’hui, il n’en reste que 247 !
Les entreprises pharmaceutiques sont des mastodontes financiers qui gagnent sur tous les tableaux.
Comment ignorer que leur chiffre d’affaires en France dépend à 80 % de la Sécurité sociale ?
Comment ignorer qu’elles bénéficient du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), transformé en baisse pérenne de cotisations patronales ?
En tant que firmes du CAC40, elles ont même obtenu, dans le cadre de la crise sanitaire, plusieurs formes d’aides, comme des reports de charges. Au travers des partenariats privé-public, elles ont accès au financement public de la recherche. Pourtant, en 10 ans, elles ont supprimé 10 000 emplois.
A titre d’exemple, entre 2008 et 2022, Sanofi a réduit de 28% ses effectifs en CDI, fermé 15 centres de recherche et une usine de production en France. Ce démantèlement des savoir-faire
n’est pas étranger à l’incapacité pour ce groupe de trouver un vaccin contre la COVID-19.
Pour nous, les médicaments font partie des biens communs de l’Humanité. Il faut donc se donner les moyens de contrer ces choix mortifères concernant les molécules, les prix…L’actualité conforte notre analyse. Ainsi, le Sovaldi, traitement efficace contre l’hépatite C, a été vendu, par le géant américain Gilead, 41000 euros puis 25 000 euros, en France, pour une cure de 3 mois, privant d’accès de nombreux patient·es, alors que son coût réel est estimé entre 25 et 150 euros la cure ! Aucune transparence, aucun contrôle, au nom du secret des affaires ! Si rien ne change, la toute puissance de l’industrie pharmaceutique, profitant de son quasi-monopole, grâce aux brevets, a encore de beaux jours devant elle.
Notre groupe politique porte depuis de nombreuses années, l’idée de création d’un pôle public du médicament, allant de la recherche à la production et à la diffusion. Il faut le construire non seulement au plan national mais également européen s’appuyant sur une politique basée sur la coopération plutôt que la concurrence et sur la satisfaction des besoins des populations plutôt que celle des actionnaires.
Cette intervention de la puissance publique est urgente et indispensable. Ce pôle public répond à l’exigence de retrouver notre souveraineté sanitaire indispensable face au capitalisme mondialisé.
Il est soutenu par de nombreuses associations d’usagers, des syndicalistes, des élu·es et aujourd’hui, l’ensemble de la gauche, voire au-delà. On en retrouve des expériences dans plusieurs pays dont le Brésil, l’Inde, la Suisse. Nous pourrions nous en inspirer pour nous donner des capacités de production pour certaines références de médicaments. C’est possible immédiatement en augmentant les moyens de l’AGEPS (Agence Générale des Equipements et des produits de santé).
Parce que la santé n’est pas une marchandise, il est temps de rompre avec les choix qui nous conduisent dans l’impasse. L’Etat doit reprendre la main sur les politiques du médicament et soutenir notre proposition de loi de 2020 en la soumettant, sous forme d’un projet de loi, au Parlement.
Le Président Macron avait annoncé vouloir réindustrialiser notre pays pour garantir les approvisionnements et plus largement la souveraineté sanitaire, en relocalisant la production. Seul un pôle public du médicament peut y contribuer !
Il est temps d’agir et d’en finir avec la toute-puissance des Big-Pharma !
Laurence Cohen, Sénatrice du Val-de-Marne
Cathy Apourceau-Poly, Sénatrice du Pas-de-Calais
Eliane Assassi, Sénatrice de Seine-Saint-Denis, Présidente du groupe CRCE
Jérémy Bacchi, Sénateur des Bouches du Rhône
Eric Bocquet, Sénateur du Nord
Céline Brulin, Sénatrice de Seine-Maritime
Cécile Cukierman, Sénatrice de la Loire
Fabien Gay, Sénateur de Seine-Saint-Denis
Michelle Gréaume, Sénatrice du Nord
Gérard Lahellec, Sénateur des Côtes d’Armor
Pierre Laurent, Sénateur de Paris
Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris
Pierre Ouzoulias, Sénateur des Hauts-de-Seine
Pascal Savoldelli, Sénateur du Val-de-Marne
Marie-Claude Varaillas, Sénatrice de Dordogne