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Qui va payer la dette Covid ? Eric Bocquet répond aux questions de la Voix du Nord

Qui va payer la dette Covid ? Pour le sénateur communiste Éric Bocquet, il faut annuler une partie des créances

Propos recueillis par Raphaëlle Remande | Publié le31/01/2021

Depuis le début de la crise sanitaire, l’État s’endette par millions pour soutenir l’économie. Qui va payer ? Comment ? Le communiste Éric Bocquet, membre de la commission finance au Sénat, plaide pour une annulation d’une partie de cette dette Covid.

Comment serait-il possible d’annuler une partie de la dette Covid ?
« On nous dit, depuis des années, que l’État doit être prudent comme un ménage. Mais au contraire, il y a une grande différence entre un État et un ménage. Un ménage peut subir les aléas de la vie, il y a un risque. Pour un État, le risque est zéro. L’État ne peut pas mourir. Aujourd’hui, cela fait 45 ans que la France vit avec un budget en déficit : chaque année on réemprunte pour rembourser des emprunts qui arrivent à terme. Un État, contrairement à un ménage, ne rembourse pas sa dette, il la refinance. D’ailleurs, aujourd’hui, on nous prête à taux négatif (on emprunte 100 et on va rembourser 95). C’est parce que la dette française, c’est de "la bonne" : les investisseurs ont confiance.

Aujourd’hui, le sujet, c’est est-ce qu’on peut continuer à se faire financer ? La réponse est oui. Vous connaissez une banque qui va vous prêter 20 000 euros alors que vous avez déjà un découvert ? Vous, particulier, ce n’est pas possible. Pour un État oui. »

Comment serait-il possible d’annuler une partie de la dette Covid ?
« On nous dit, depuis des années, que l’État doit être prudent comme un ménage. Mais au contraire, il y a une grande différence entre un État et un ménage. Un ménage peut subir les aléas de la vie, il y a un risque. Pour un État, le risque est zéro. L’État ne peut pas mourir. Aujourd’hui, cela fait 45 ans que la France vit avec un budget en déficit : chaque année on réemprunte pour rembourser des emprunts qui arrivent à terme. Un État, contrairement à un ménage, ne rembourse pas sa dette, il la refinance. D’ailleurs, aujourd’hui, on nous prête à taux négatif (on emprunte 100 et on va rembourser 95). C’est parce que la dette française, c’est de "la bonne" : les investisseurs ont confiance.

Aujourd’hui, le sujet, c’est est-ce qu’on peut continuer à se faire financer ? La réponse est oui. Vous connaissez une banque qui va vous prêter 20 000 euros alors que vous avez déjà un découvert ? Vous, particulier, ce n’est pas possible. Pour un État oui. »

Cela paraît trop facile de pouvoir effacer une dette. Quid des créanciers ?
« Dans l’histoire, c’est déjà arrivé. Par exemple pour l’Allemagne : en 1953, on a effacé 60 % de la dette allemande, le pays était à genoux. Nous, aujourd’hui, c’est la Banque centrale européenne – qui n’est pas une banque commerciale, c’est la banque qui imprime les billets – qui détient 25 % de la dette française. Donc, l’une des options serait qu’elle passe l’éponge. On est dans une situation exceptionnelle, historique, on ne peut pas raisonner avec les schémas d’avant. »

« La dette est devenue l’argument suprême pour justifier qu’on serre les boulons pour les gens. Politiquement, pour moi, c’est ça. »

Est-ce qu’on pourrait continuer à emprunter aussi facilement, en annulant une partie de la dette ?
« C’est une vraie question mais je pense qu’il faudrait aussi réfléchir à d’autres financements de la dette. Par exemple, la dette japonaise est détenue à 95 % par les Japonais. On dit que les Français ont épargné beaucoup pendant cette année, qu’il y a 100 milliards d’épargne supplémentaire sur l’année. Pourquoi ne pas mobiliser cette épargne ?

Autre solution : revoir les règles de fonctionnement de la Banque centrale européenne qui pour l’instant n’a pas le droit de prêter directement aux États (d’où les emprunts sur les marchés financiers). Cela passe par un changement des traités européens. C’est politique. »

Sinon, qui va payer ?
« C’est nous. Avec une politique d’austérité. Mais on est dans un piège… Imaginez, si une année, on dégage 10 milliards d’excédent. Notre dette s’élève à 2 400 milliards, il faudrait donc 240 ans pour rembourser ! À supposer qu’on n’emprunte plus. Or, on emprunte chaque année. Cette dette, sincèrement, on va la rembourser ? La dette est devenue l’argument suprême pour justifier qu’on serre les boulons pour les gens. Politiquement, pour moi, c’est ça. »

L’article est à retrouver en intégralité sur le site de la Voix du Nord.

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