À la tribune

Projet de loi "Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2022"

Avec ce Gouvernement, le message aux collectivités est le suivant : « tu ne pourras compter que sur toi-même ».

Le Sénat débat ce lundi 3 juillet sur le projet de loi "Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2022", qui revient corriger les prévisions votées à l’époque.

C’est Eric Bocquet qui s’est exprimé au nom des sénatrices et sénateurs CRCE.

Lire l’intervention générale prononcée par Eric Bocquet

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher.e.s collègues,

A l’heure où les associations d’élus locaux, départementaux et régionaux ont refusé de participer à la grand-messe de l’austérité qui se tenait sous la bannière « d’Assises des finances publiques », je souhaite, au nom de notre groupe, leur témoigner tout notre soutien. Dire que nous ne laisserons pas faire les décisions non concertées, unilatérales, comme l’indispensable revalorisation du point d’indice sans moyens nouveaux.

Dire que le concept très « bercyen » d’auto-assurance revient non plus à s’attaquer aux dépenses des collectivités, comme le faisaient les contrats de Cahors sur lesquels le Gouvernement s’est obstiné, mais sur les recettes cette fois-ci, les obligeant à créer des réserves. En gros, le message aux collectivités est le suivant : « tu ne pourras compter que sur toi-même ».

Le Ministre Bruno Le Maire, dans une formule dont il a le secret, feint de se demander « aujourd’hui, qui est l’assureur en dernier ressort des collectivités locales ? C’est l’État ». Les collectivités territoriales face à cet affront, présumant une irresponsabilité fantasmée des élus, n’ont pas besoin de cet « assureur » que serait l’État. Celui qui les a laissé tomber, abandonnées face aux méandres du marché européen de l’énergie et de l’explosion des denrées alimentaires nourries pour moitié par la course au profit.

La loi de règlement pour 2022 c’est l’occasion de regarder quel assureur fut l’État quand, au Sénat, Bruno Le Maire, dans les hourras de l’hémicycle s’extasiait devant le filet de sécurité ; je cite : « Ainsi, plus de la moitié des communes françaises seront éligibles à ce dispositif. Je veux saluer une fois encore l’esprit constructif et de compromis ayant présidé à la rédaction de cet amendement et de ce sous-amendement, qui permettent, selon moi, de protéger le bloc communal contre les conséquences de l’inflation ».

Lors du débat sur les finances locales en amont du PLF pour 2023, l’ex-ministre chargée des collectivités confirmait ces propos : « Dès cet été, le Gouvernement a proposé des mesures fortes dans la loi de finances rectificative, que vous avez enrichie et votée. Je pense en particulier au filet de sécurité de 430 millions d’euros pour aider les communes et les intercommunalités les plus fragiles à faire face à la hausse du point d’indice et des prix de l’alimentation et de l’énergie ».

Des 430 millions promis, ce filet de sécurité, trop complexe et restrictif, n’a finalement généré que 106 millions d’euros de soutient, moins d’un quart donc. Quant au nombre de communes, vous nous direz Monsieur le Ministre si les 22 000 communes éligibles tel qu’affirmé à l’époque en ont effectivement bénéficié.

La situation est pourtant extrêmement grave pour les collectivités, notamment les collectivités locales qui ont vu leurs dépenses de fonctionnement bondir de 6 %, après 2,8 % en 2021. L’indice des prix à la consommation alimentaire augmentait de 12,1 % sur l’année et l’énergie de 15,1 %. Le comité des finances locales a calculé que les charges externes est le poste de dépenses qui a le plus augmenté avec 11,1 %, tiré par le haut par l’augmentation de 30% pour l’ensemble énergie, électricité, combustibles et carburants. Ce sont près de 4 milliards d’euros supplémentaires que les communes ont dépensés sur ce poste budgétaire. Que sont les 106 millions d’euros à côté, avec un quasi-gel de la DGF qui diminue en volume à mesure que croit l’inflation ?

Les dépenses de personnels bondissent, elles aussi, de 4,9%, après 2,5% notamment du fait de la revalorisation du point d’indice et la revalorisation des carrières des agents de catégorie C.
Un phénomène analogue traverse les départements d’Outre-mer avec une explosion de leur charge externe de 11,2 % à la Réunion et 6,9 % à Mayotte, dont les communes du territoire sont affectées par une augmentation des dépenses de personnel deux fois supérieures à la métropole.

Je ne reviens pas sur tous les indicateurs financiers si ce n’est en disant que l’investissement a augmenté de 10,7%, un montant « anormal » à cette période, du fait de l’envolée des prix des matériaux réduisant de 2 milliards à 0,5 milliards d’euros l’autofinancement des communes, laissant planer un avenir sombre sur l’investissement public pourtant moteur de la croissance économique.

Il est temps d’instaurer un moratoire sur les baisses de fiscalité locale, de soutenir les collectivités non pas comme un assureur mais dans un pacte financier renouvelé entre l’État et les collectivités territoriales. Un pacte dans lequel il n’y aurait ni Cahors, ni injonctions, ni TVA pour seul lien entre la fiscalité et la valeur ajoutée.

Parlons de sécurité financière sans filet, parlons-en ! Cette loi de règlement nous a donné l’occasion d’évaluer une mesure que vous avez voulu emblématique de votre soutien au bloc local mais qui n’a pas, sinon bien trop peu, permis aux collectivités d’affronter en 2022 les aléas des marchés mondiaux et une conjoncture défavorable dans le cadre budgétaire de gel des dotations que vous avez instauré.

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