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Débat sur la croissance de la dette publique en France

Une alternative à l'austérité est possible

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Débat sur la croissance de la dette publique en France

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers/es collègues

Il était une fois le grand méchant loup de la dette publique. Les discours anxiogènes redoublent d’intensité dans la dernière période, la préparation du budget 2025 va être très tendue. À l’évidence les gouvernements successifs ne cherchent pas à faire réfléchir la population mais à lui faire peur. Le dernier budget équilibré de notre pays date de 50 ans exactement, c’était en 1974.
Cinquante années plus tard, le pouvoir s’est donné un budget financé pour moitié par les impôts et les taxes et l’autre moitié par de la dette. Cette année, l’État va emprunter a minima 285 milliards d’euros aux marchés financiers, c’est un record historique. 150 milliards serviront à équilibrer le budget, 135 milliards serviront à rembourser les emprunts arrivés à terme. La France est cliente chez Sofinco, Cetelem ou Cofidis. Dans le même temps, nous paierons à nos créanciers la jolie somme de 55 milliards d’intérêts ; ce monde marche sur la tête.

Nos gouvernants nous expliquent que nous dépensons trop, que nous vivons au-dessus de nos moyens… Quant à nous, nous avons regardé du côté des recettes, et il faut dire que ces dernières décennies, il s’est passé beaucoup de choses.
Sur l’impôt sur le revenu, il y avait 14 tranches d’impôts avec un taux maximal à 65 %, aujourd’hui nous en comptons cinq avec un taux à 45 %. En 2010, fut décidée la suppression de la taxe professionnelle (moins 23 milliards). L’impôt sur les sociétés était à 50 % en 1986, ramené aujourd’hui à 25 %, entre temps suppression de l’ISF, plafonnement de l’impositions des dividendes à 30 % (PFU), suppression des impôts de production (CVAE), de la taxe d’habitation. Certes, on nous explique que la TVA compensera les pertes, mais au bout du compte la TVA représentait 47,30 % des recettes de l’Etat en 2017, aujourd’hui, ce chiffre a chuté à 27 %. Le déséquilibre, le déficit est donc davantage un problème de recettes manquantes.

Le discours anxiogène s’accompagne aussi de propos culpabilisateurs, nous serions l’horrible génération de profiteurs qui s’endettent sur le dos de leurs enfants et petits-enfants. Quelle honte ! Et pourtant, c’est bien nous qui remboursons la dette. Sur le site de l’Agence France Trésor de Bercy, la maturité, durée de vie de notre dette, est à ce jour de huit ans et 173 jours, exactement.
Mes chers/ères collègues, pour les seuls intérêts, entre 2011 et 2022, nous avons payé un peu plus de 491 milliards et, selon l’INSEE, ce sont 1 350 milliards d’euros que nous avons versés en intérêts aux marchés financiers, depuis 1979.

Combien d’enseignants, de médecins, de personnels soignants dans cette somme ? Combien de places de crèche, combien de places à l’université… Faites le compte !

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la dette de la France s’établissait à 160 % du PIB, un pays à reconstruire, trente années plus tard, ce taux était tombé à 20 %. Ce n’était pas le résultat d’une politique de réduction de la dépense publique, mais bien au contraire d’une politique de croissance et d’investissements publics et privés.
Dans ces années d’après-guerre, années de reconstruction, c’est la Banque de France, avec son réseau de banques partenaires, qui formait le circuit du Trésor, il collectait l’épargne des Français et faisait des avances à l’État. C’était un système vertueux qui nous protégeait de l’emprise des marchés financiers, ce système fut démantelé au tournant des années 1970 et 1980.

Mes chers/ères collègues, connaissez-vous le montant total de notre épargne ? Selon la Banque de France, les placements financiers de la nation représentent 6 111 milliards d’euros. N’y aurait-il pas là une piste à explorer pour inventer un autre système de financement de l’État ?

Enfin, je voudrais évoquer ici l’échelon européen, la Banque Centrale Européenne n’a pas le droit de financer la dette des États membres (article 123 du TFUE). Or, à la suite de la crise sanitaire que nous avons traversée, la BCE se trouve détenir 3 800 milliards de titres de dette publique sur les 6 800 milliards de son bilan global.
Elle détient aujourd’hui 25 % de la dette française. Autrement dit, la BCE s’est affranchie de ses propres règles parce qu’il y avait le feu dans la maison économique. N’est-ce pas le moment de poser en grand le débat sur un rôle nouveau que pourrait jouer la BCE dans le financement des États ?
Dans les débats, on nous menace souvent de perte de confiance des marchés financiers. Je vous assure, en face de l’anxiété entretenue à dessein, s’affiche l’extrême sérénité de nos prêteurs. Je citerai à cet instant un article du journal Les Echos, en date du 28 février de cette année. Bercy venait d’emprunter huit milliards. L’article nous dit : « La frénésie qui agite le marché obligataire depuis le début de l’année ne se calme toujours pas… » Plus loin, « Cet appétit s’explique très largement par la volonté des investisseurs de sécuriser une rémunération attrayante… » Une dernière pour la route : « Ce succès traduit une demande importante pour les titres longs depuis le début de l’année, et une confiance renouvelée dans la signature de la France… »

Le débat sur la dette publique n’est pas une question budgétaire, comptable et financière, c’est un sujet hautement politique et donc de nature à donner lieu à débat démocratique.
Le véritable enjeu à nos yeux est de se libérer de la tutelle des marchés financiers sur les États. Pour alimenter la réflexion, cette citation de John Adams, deuxième président des Etats-Unis :
« Il y a deux manières de conquérir et d’asservir une nation, l’une est par les armes et l’autre est par la dette. »

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