À la tribune

Projet de loi de finances rectificative pour 2021

Du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne » : Eric Bocquet intervient pour le PLFR 2021

Ce mercredi 30 juin débutait au Sénat l’examen du Projet de loi de finances rectificative pour 2021.

C’est Eric Bocquet qui a prononcé l’intervention générale au nom du groupe CRCE.

Lire le texte de l’intervention

Madame la présidente,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Nous voici donc réunis pour la saison 5 du PLFR.

M. Bruno le Maire a commencé à siffler la fin de la partie. Il pose d’ores et déjà l’acte de décès du « quoi qu’il en coûte ». Le plus inquiétant est que le Ministre affiche son obsession sur le sujet de la dette publique comme moyen de remettre en cause encore et toujours, notre modèle de protection sociale. Toujours aucune conditionnalité au versement des aides, et pourtant un rapport récent a montré que sur les 27 groupes du CAC 40 ayant bénéficié de l’activité partielle, 16 ont versé des dividendes en 2020 et 22 en 2021.

Ce budget, je cite Monsieur le Maire, « amorce la transition vers un retour à la normale ». C’est un budget de retour à la normale pour une situation qui ne l’est toujours pas. Le variant Delta fait courir le risque majeur d’un regain de la propagation et du taux d’incidence. En dépit d’une progression de la vaccination, ralentie aujourd’hui, près de la moitié des Français ayant reçu une injection et moins d’un tiers ont bénéficié de deux doses, le variant Delta semble résister davantage au sérum : c’est « l’échappement immunitaire ». La sortie de crise est-elle illusoire ?

En tout état de cause, rien dans ce PLFR n’indique que les finances publiques sont mobilisées pour envisager une quatrième vague. Toute la politique du Gouvernement s’inscrit, comme depuis le début dans une impréparation inquiétante, alors que notre situation nécessite au contraire une planification en amont. Anticiper, prévoir et encore prévoir, c’est le seul objectif pour garantir la protection de la population et l’efficacité des dépenses au premier euro en matière d’urgence et de relance.

La crise sanitaire a révélé - même s’il n’est pas l’heure d’en faire le bilan tant qu’elle n’est pas derrière nous - la gestion pour le moins approximative de l’exécutif :

  • Un écart de près de 10 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Des sources gouvernementales indiquaient que le budget de la sécurité sociale représentait « des provisions larges, au cas où l’épidémie devrait durer encore longtemps ». Bilan : vous prévoyez 1,5 milliard d’euros pour la campagne de vaccination, c’est trois fois et demi moins que son coût actuel chiffré à 5,2 milliards d’euros.
  • La gestion des crédits destinés à renforcer les participations financières de l’Etat dans la crise sanitaire est notoirement insuffisante. Vous vous en êtes servis comme d’une réserve de crédit que vous avez détournée de son usage initial, en la dépouillant de 7,2 milliards d’euros. Et vous voudriez recueillir notre assentiment ? Comme si cet argent était inutile.

La détresse d’Air France, plus de 6500 licenciements en cours d’exécution ; de Renault 4 600 licenciements sur trois ans en France affectant notamment l’usine de Maubeuge dans mon département du Nord ; l’écrémage de 30 % des effectifs des fonctions générales pourrait advenir pour les salariés SNCF réseaux sur 3 ans : nous sommes las de chercher les crédits que nous avions soutenus pour répondre à ces enjeux, pour répondre à ces salariés.

Ne peut plus durer le choix de l’impuissance publique à laquelle vous vous livrez, à laquelle vous les livrez. Votre tour de passe-passe sur ces crédits est clair, l’addition pour l’actionnariat de l’Etat dans les entreprises françaises est salée. C’est pourtant l’un des outils indispensables à la préservation de l’emploi, qui se trouve amputée finalement de 11,4 milliards d’euros. Tels de véritables prestidigitateurs, vous jonglez avec les crédits, quitte à nous en faire perdre la trace, tout comme aux citoyennes et aux citoyens de ce pays.

Les mesures fiscales contenues dans ce texte s’inscrivent dans la philosophie du Ministre de l’Economie qui assène : « nous le savons tous, le premier problème de l’économie française est un problème d’offre ». Le moins que l’on puisse dire c’est que ce Gouvernement s’emploie avec une extrême vigueur à baisser l’impôt des entreprises. Sa dernière trouvaille ? Rendre illimitée la possibilité, pour les grandes entreprises, d’imputer en arrière, la fameux « carry-back », jusqu’à trois années un exercice déficitaire. Traduction : un seul déficit pour une entreprise structurellement bénéficiaire ? Pas de soucis, l’administration fiscale leur restituera l’impôt sur les sociétés déjà versé. Le tout sans contrepartie.

Comme toutes les autres aides publiques versées depuis le début de la crise sanitaire, votre Gouvernement, qui s’est déjà fait démentir par les grandes multinationales à de nombreuses reprises et notamment sur le non-versement de dividendes, persiste à ne rien exiger en retour des milliards qu’ils perçoivent. Voilà la transition qu’entame ce collectif budgétaire : du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne » pour les finances publiques.

Je vous remercie.

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