À la tribune

Eliane Assassi, pour le groupe CRCE, après la Déclaration de politique générale du Gouvernement

"Nous opposerons à votre logiciel libéral, un logiciel de progrès et de transformation pour véritablement répondre aux exigences populaires"

Ce mercredi 6 juillet 2022 avait lieu la déclaration de politique générale du Gouvernement auprès des deux assemblées parlementaires, suivie d’un débat.

Au Sénat, c’est Eliane Assassi, présidente, qui s’est exprimée au nom du groupe CRCE.

Lire le texte de l’intervention

La France vit une situation politique inédite. Pour la première fois, dans le cadre du quinquennat, un Président de la République et son Gouvernement ne disposent pas du soutien d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Pour la première fois depuis 30 ans, un Gouvernement s’apprête à agir sans la confiance des parlementaires. Comment Emmanuel Macron en est-il arrivé là ?

Tout d’abord, les élections en 2017 et 2022 sont le résultat non pas d’une adhésion à un programme mais contre l’extrême-droite. Le chef de l’Etat nie l’évidence. Le 22 juin, il affirmait même que son élection s’est faite, je le cite : « sur le fondement d’un projet clair en me donnant une légitimité claire ». Or, l’étape nouvelle de la crise institutionnelle que nous vivons puise sa source dans un hiatus démocratique évident. Emmanuel Macron a vaincu Mme Le Pen grâce à l’électorat de gauche, celui de la droite lui étant déjà acquis dès le premier tour. Et des millions d’électeurs ont fait le choix de l’abstention.

A l’évidence, il faut imaginer un nouveau régime parlementaire véritablement ouvert aux citoyens. En effet, nous sommes arrivés là car ce qui est rejeté aujourd’hui – outre un bilan sur lequel je reviendrais - c’est la verticalité d’un pouvoir méprisant, d’une dérive monarchique.

Emmanuel Macron a failli dans l’exercice démocratique du pouvoir et il a été sanctionné en conséquence. Je le répète, il n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Enfin, une raison fondamentale a conduit à la crise que nous connaissons.
Durant ces cinq années, le Président a été perçu comme celui des riches, parce qu’il l’a été. Les chiffres sont là, un seul exemple. En 2021, les salaires des PDG du CAC 40 ont presque doublé. Dois-je faire le point, sur l’explosion des dividendes ? Ou du maintien malgré toutes les belles déclarations gouvernementales de l’évasion fiscale, au niveau de 80 à 100 milliards d’euros par an, soit près du double du budget annuel de l’Éducation nationale ?

Le ruissellement n’a pas eu lieu, les salaires ont, au mieux, stagné, le plus urgent pour vous étant de supprimer l’impôt sur la fortune mobilière. La Flat tax, l’exit tax ont pu poursuivre leur belle vie, petits arrangements fiscaux bien au chaud dans le nid douillet de la Macronie.

Le « en même temps » aurait dû entrainer une amélioration de la vie des salariés les plus pauvres. Que nenni ! Casse du droit du travail par les ordonnances Pénicaud, baisse des APL, mise en cause des droits des chômeurs par votre projet Mme la Première Ministre, accélération de la libéralisation du transport ferroviaire, contredisant son essor écologique...
Après la réforme de l’assurance chômage, ce sont des milliers de chômeurs en moins qui ont été indemnisés, puisqu’il faut avoir travaillé au moins 6 mois et non plus 4 pour être pris en charge. Il s’agit d’une réforme honteuse.
Alors que les actionnaires et financiers de tout poil s’engraissaient, vous avez appauvri les chômeurs.
Nous savons que, durant la crise de la Covid, la Nation toute entière a fait un grand effort pour permettre à notre pays et à son économie de passer l’épreuve. Ce que nous avons pu constater aussi, c’est que les moyens existaient pour agir. La mobilisation financière qui a été possible face à la Covid doit être renouvelée pour faire face à l’urgence sociale, éducative et écologique. Les comptes d’apothicaire ne sont plus de mise.

Oui, il est temps d’agir. Pour redresser notre pays, pour tracer un avenir. Votre projet sur le pouvoir d’achat n’est pas à la hauteur des besoins, il ne permettra pas de relancer la mécanique économique pour la consommation, il ne répondra pas à la détresse de millions de nos compatriotes. L’inflation galope, portée par une spéculation indigne.
Il faut d’urgence bloquer les prix des produits de première nécessité et baisser le prix de l’énergie, carburant, électricité et gaz. Les chèques, ça suffit ! 100 euros par-ci, 150 euros par-là, peuvent donner l’illusion d’une aide. Comment imaginer qu’une aumône de 100 euros pour les étudiants en difficulté leur permettra de se loger, de se nourrir, d’acheter leur matériel. Il faut une véritable allocation étudiant de 1 053 euros par mois comme nous le proposons avec nos amis de la NUPES. Plus généralement, il faut augmenter les pensions et les salaires. C’est ça, Madame la Première Ministre, la clé de l’amélioration réelle et pérenne de la situation. Le SMIC à 1 500 euros net, tout de suite, est une nécessité absolue pour des milliers de salariés.
C’est le Gouvernement qui peut donner le « la » en matière salariale, en augmentant le SMIC, qui par un effet domino, entraînera une augmentation générale des salaires.

Qu’est-ce qui bloque, Madame la Première Ministre ? Qu’est-ce qui bloque ? Le patronat, le CAC 40 ? La situation politique, le signal fort envoyé par les électeurs exige que ce soit l’intérêt général qui prime, et pas l’intérêt de ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent.
Il faut immédiatement convoquer une conférence nationale sur les salaires. Le capital doit rétribuer dignement le travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)
Agir pour le peuple, dans l’intérêt du peuple, en écoutant le peuple, ce n’est certainement pas en retardant l’âge de départ à la retraite. Là aussi, Emmanuel Macron, s’il persiste, ne respectait pas la volonté des électeurs, ils n’ont pas voté pour cette mesure comme ils ne l’avaient pas fait en 2017. Ils exigent, au contraire, la retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Agir, ce ne peut mettre au travail des bénéficiaires du RSA. Agir, ce ne peut pas être baisser les impôts, surtout pour les patrons avec une baisse programmée de 7 milliards des impôts de production, mettant d’ailleurs à mal les finances des collectivités locales par la suppression de la CVAE. Ces dernières, dans l’hexagone comme en Outre-Mer, sont en première ligne face à la crise sociale. Il faut compenser la hausse du coût de l’énergie qui grève leur budget. De même, l’augmentation pleinement justifiée, mais pour autant encore trop faible des fonctionnaires territoriaux doit leur être compensée, faute de quoi le service public en patira.

Agir pour le pouvoir d’achat, c’est geler les loyers pour ceux qui ne peuvent plus les payer. Le logement doit redevenir une grande cause nationale, et nous tenons à votre disposition une proposition de loi précise sur ce sujet.

L’accès aux soins doit être une priorité : cessez de suivre les recommandations des cabinets de conseil comme McKinsey et Capgemini ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et du groupe SER ; Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Alain Houpert applaudissent également.)

L’épidémie de Covid a mis en évidence la crise de notre système de santé à l’hôpital et en EHPAD ce qui exige de les soustraire à la loi du marché. Alors que la septième vague est là, allez-vous agir, informer, recruter, équiper ? Allez-vous construire, payer dignement pour casser la désertification médicale ? Allez-vous assurer un remboursement digne en commençant par appliquer réellement le 100 % ?

L’Éducation nationale est, elle aussi, en danger, il manque 3 000 postes pour la rentrée. Un exemple pour décrire la situation : 426 professeurs des écoles admis dans l’académie de Versailles pour 1 430 à pourvoir. Un effort financier considérable doit être engagé.

Le développement des services publics, de l’Enseignement aux transports, de la police à l’hôpital, en dépend. Cet effort financier sera nécessaire, pour une politique industrielle et agricole fondée sur les relocalisations et le respect de la planète.
En si peu de temps, il n’est pas possible de vous répondre sur tous les points.

Madame la Première ministre, votre logiciel de régression sociale et de casse des services publics annoncée, le peuple n’en veut pas. Nous n’avons pas d’illusion : la réalité politique pousse votre Gouvernement vers la droite des hémicycles.
Et depuis 5 ans, la majorité sénatoriale a très souvent soutenu les poussées libérales de M. Macron ; votre projet sur les retraites, par exemple, obtiendra à coup sûr, son soutien.

Madame la Première ministre, nous disons aussi attention à toute tentative d’un jeu mortifère avec le Rassemblement National, qui tourne toujours et encore le dos à l’idée même de progrès.

Oui Madame la Première ministre, nous serons vigilants, pour que notre peuple soit préservé de la violence libérale et de la haine. Et nous porterons en permanence, avec les députés de la Nupes, l’espoir de progrès, de justice sociale et d’une transition énergétique d’une urgente évidente.

En somme, nous opposerons à votre logiciel libéral, un logiciel de progrès et de transformation pour véritablement répondre aux exigences populaires. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

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