À la tribune

Intervention générale

Eric Bocquet et les sénateurs du groupe CRCE voteront pour le plafonnement des frais bancaires

Le Sénat examinait ce jeudi 28 mai une proposition de loi visant à Rendre effectif et renforcer le plafonnement des frais bancaires.

Eric Bocquet s’est exprimé sur ce texte au nom du groupe CRCE.

Merci Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

D’abord, je tiens à saluer l’initiative de nos collègues du groupe socialiste et républicain d’amener au débat la question du plafonnement des frais bancaires.

Il s’agit effectivement d’un vrai sujet et dont l’origine n’est pas tout à fait récente. Ainsi, selon une étude sérieuse, reprise par un quotidien économique sérieux il y a quelques mois qui a révélé des chiffres absolument astronomiques.

C’est le cabinet Sémaphore Conseil qui a étudié l’évolution des tarifs sur un panel représentatif de 18 banques depuis 2010 (banques nationales, mutualistes, régionales et banques en ligne). Sur ces dix années les banques ont mis l’accent sur la numérisation des services, l’objectif étant de globalement diminuer les prix des services réalisés via Internet et d’augmenter les tarifs en agence. Ainsi, les frais de consultation de comptes à distance, qui étaient encore payants pour environ 70% des banques du panel en 2010, sont désormais gratuits partout. Dans le même temps, la gratuité des virements sur Internet s’est généralisée, alors que les mêmes opérations réalisées en agence ont vu leurs coûts moyens augmenter de 28% (l’étude évoque un tarif de 3,70 euros par virement). Toujours en agence, la mise à disposition de fonds coûte aujourd’hui 61% de plus qu’il y a dix ans. Et les frais de location de coffre-fort ont progressé de 14% avec une facture moyenne de 99 euros.

Toujours selon cette étude, les frais de tenue de compte sont désormais facturés dans le panel concerné, 17,06 euros par an en moyenne, contre 1,43 euros dix ans plus tôt, soit une hausse vertigineuse de 1193%.

Les banques ne baissent pas les prix des cartes, assez coûteuses, jusqu’à 325 euros par an pour une carte Visa Infinite en 2018 et dont les cotisations annuelles ont progressé de 5,5% à 14,8% sur dix ans.
Ces sommes pourront paraître dérisoires à certains, mais ces montants viennent grever sensiblement les moyens limités de nos concitoyens les plus en difficulté.

Selon les associations de consommateurs, 78% des personnes en situation d’endettement n’ont bénéficié d’aucun plafonnement et 91% des clients touchant moins de 1800 euros de revenus et payant plus de 40 euros de frais pour incident par mois n’ont pas bénéficié du plafonnement à 25 euros sur lequel les banques s’étaient engagées.

Certains frais sont à nos yeux totalement injustifiés, ceux imputés lors de la saisie à tiers détenteurs, véritable double peine qu’il conviendrait d’interdire. Citons encore le rejet de prélèvement facturé 20 euros alors que son coût administratif n’est en réalité que de quelques centimes.

Autant d’opérations qui viennent alimenter le montant de 6,5 milliards d’euros cité dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de nos collègues. Certes, la Fédération Bancaire Française semble contester ce chiffre, ce qui, vous l’admettez, peut paraître surprenant pour des professionnels du chiffre qui doivent à mon avis être capables de comptabiliser ces millions d’opérations chaque année !

Un premier bilan établi fin 2019 montre que globalement le principe du gel des frais bancaires a été appliqué par la majorité des banques, une analyse détaillée devrait être rendue très prochainement, il y a donc eu quelques exceptions notables.

Sans doute faudra-t-il exercer une certaine vigilance quant à l’évolution des tarifs sur l’année 2020, il faudrait absolument éviter une forme de rattrapage du gel en 2019, toute augmentation serait socialement et moralement inacceptable.

La pandémie en cours, nous le savons, a des effets économiques énormes et dans ce contexte, les millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté seraient particulièrement sensibles à ce risque.

L’action du Gouvernement pour contrer ces effets pervers nous semble aujourd’hui insuffisamment volontariste et les propositions des banques trop complexes et restreintes, d’où notre accord avec le présent texte proposant un encadrement global de tous les frais bancaires. Le plafonnement ici proposé permet de laisser une marge de manœuvre assez large de négociations entre le secteur bancaire et le Gouvernement puisque ces plafonnements seront décidés par décret et garde la forme actuelle de plafonnements par mois et par opération, même si un plafonnement obligatoire par an serait le bienvenu, selon nous.

Permettre à différentes instances comme la Banque de France et les présidents de conseils départementaux d’enjoindre les banques de proposer à certaines personnes l’offre spécifique renforcera la visibilité de cette option et du statut de fragilité financière appliqué aujourd’hui de manière inégalitaire selon les établissements et qui mériterait d’être mieux défini.

La croissance soutenue des frais bancaires et les stratégies de contournement des banques pour compenser les plafonnements partiels existants sont une véritable plaie sociale accroissant les inégalités, faisant des clients une variable d’ajustement pour réaliser des marges alors que les banques devraient être à leur service. Réglementer davantage le secteur bancaire incitera les banques à limiter les coûts de gestion liés aux irrégularités et les encouragera, nous l’espérons, à mieux accompagner les personnes en difficultés financières. Plus que réglementer, nous défendons des règles de sanctions des établissements ne respectant pas les plafonnements et des instances comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Observatoire de l’inclusion bancaire doivent être mobilisés pour aller vers plus de transparence.

Nous voterons pour cette proposition de loi de bon sens invitant à une tarification responsable des banques et à une meilleure inclusion bancaire.

Imprimer cet article

Société

Commission des Finances

Au sénat

En direct

Une question ?