Le mercredi 22 janvier, dans la soirée, Michelle Gréaume a défendu l’amendement 194 sur l’article 1er de ce projet de loi.
Il semblerait que le fil rouge des réformes judiciaires des années 2000 soit la déjudiciarisation, laquelle est surtout conçue et recherchée pour l’économie de tout ordre qu’elle permet.
En témoigne le dernier projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, qui prévoit de nombreuses mesures de déjudiciarisation, tant en matière civile qu’en matière pénale.
Ce projet de loi n’y échappe donc pas. Un certain nombre d’articles, notamment ceux liés à la PMA, confient des pouvoirs jusque là du ressort des juges et de l’officier d’état civil au notaire. Il s’agit d’un pas de plus vers la déjudiciarisation de la famille, qui ne cesse de s’intensifier depuis les années 60.
En France, en effet, la tendance est à la déjudiciarisation de tout ce qui ne suscite pas de conflits : divorce par consentement mutuel, PMA de couples lesbiens, etc… La prochaine étape de ce mouvement concernera peut-être l’adoption, ont estimé certains notaires intervenant au décryptage du projet de loi à la Chambre des Notaires de Paris le 15 octobre dernier.
En outre, ces nouvelles compétences accordées au notaire semblent assez mal reçues par la profession, considérant notamment que les questions de filiation sont extrêmement importantes, car irrévocables. Et considérant par ailleurs que la rémunération liées à cet acte n’est pas assez élevée pour eux, pour rétablir cette reconnaissance de filiation conjointe anticipée, les couples de femmes devront débourser une somme minime, estiment-ils, à 250€, dont 88€ pour le notaire, le reste étant réservé à l’enregistrement et à la conservation de l’acte. Ce sera vraiment un service social, a ainsi déclaré Maître Bertrand Savouré, lors des réunions précédemment mentionnées.
Toutes ces raisons nous conduisent à penser qu’il est absolument nécessaire que la reconnaissance conjointe anticipée soit du ressort du juge. Tel est le sens de notre amendement. Merci.
Le jeudi 23 janvier, Michelle Gréaume s’est à nouveau exprimée dans ce débat.
Elle a d’abord fourni une explication de vote sur l’article 2, relatif à l’autoconservation.
L’endométriose est une maladie chronique chez la femme. Elle touche une femme sur sept en âge de procréer et provoque une infertilité de 30 % à 40 %.
Si je vous donne ces quelques éléments, c’est qu’il est important de rappeler qu’il existe, à côté des maladies comme le cancer, que l’on traite par la chimiothérapie ou la radiothérapie, des maladies d’un autre type.
Toutes les femmes n’auront pas recours à l’autoconservation. J’entends beaucoup parler, par ailleurs, de crainte de l’avenir ; pour ma part, mes chers collègues, j’ai confiance dans l’avenir, et dans tous les sénateurs et sénatrices qui prendront, demain, notre succession. Je pense qu’ils prendront les bonnes décisions, et je suis sûre que nous pouvons avoir confiance en eux. (M. Roger Karoutchi fait la moue.)
Je ne voterai pas ces amendements.
Puis, elle a défendu l’amendement 200 sur l’article 2, portant sur la conservation des gamètes.
Avec cet amendement, nous avons repris l’une des remarques formulées par la fédération des Cécos.
La rédaction actuelle du texte prévoit un délai de dix années consécutives sans réponse de la personne qui a bénéficié d’une conservation de gamètes ou tissus germinaux pour procéder à un arrêt de leur conservation. Ce délai est le même qu’il s’agisse d’une conservation sur indication médicale ou hors indication médicale.
Nous proposons que ce délai de conservation avant destruction en l’absence de réponse au courrier de relance annuel soit réduit à cinq ans si la conservation des gamètes est effectuée en dehors des indications médicales. La démarche de conservation de gamètes hors indication médicale étant volontaire, aucun argument ne pourrait justifier l’absence de réponse au courrier concernant le devenir des échantillons conservés en dehors du décès de la personne.
Cette proposition est de bon sens et facilitera de manière importante, pour les Cécos, la gestion du stockage à long terme des échantillons biologiques des patients perdus de vue. Nous espérons donc qu’elle sera adoptée.
Dans un second temps, elle a pu formuler une explication de vote relative à l’article portant sur les données d’identification du donneur.
On ne peut comparer un enfant adopté de manière plénière ou un enfant né sous X qui veulent connaître leur histoire et leurs vrais parents et un enfant conçu par des dons anonymes de gamètes ou d’ovocytes. Selon moi, au risque de vous choquer, le donneur n’est pas le géniteur. Il fait un simple don de cellules.
Il me semble donc important de conserver l’anonymat et de réfléchir à un nouveau statut de l’embryon et du fœtus, ce qui pourrait résoudre pas mal de difficultés.
Elle a ensuite défendu l’amendement 201 sur l’article 3.
Cet amendement vise à allonger la période transitoire entre les deux régimes, celui en vigueur actuellement, caractérisé par l’anonymat du don, et celui qui entrera en vigueur si le projet de loi est adopté, fondé sur la levée de l’anonymat. Il est évident que ces deux régimes différents ne peuvent coexister, l’un permettant à des enfants d’avoir accès à leurs origines, l’autre ne leur permettant pas.
La levée de l’anonymat risque toutefois, dans un premier temps, de se traduire par une diminution du nombre de candidats au don, comme l’ont souligné les Cécos. Il est donc important de conserver le stock de gamètes constitué avec le principe de l’anonymat du don, le temps de reconstituer un nouveau stock. C’est ce vous avez dit, me semble-t-il, madame la ministre.
Le délai de treize mois après la promulgation de la loi nous paraît également beaucoup trop court. Nous proposons donc d’attendre cinq ans avant de détruire les stocks existants.
Au-delà des moyens supplémentaires à accorder aux Cécos, nous pensons qu’une des clés pour rendre réellement effective la PMA pour toutes est d’éviter la pénurie de gamètes.
Enfin, elle a défendu l’amendement 203 sur l’article 5, portant sur le don d’organes.
Malgré le rang de « priorité nationale » accordé au prélèvement et à la greffe d’organes depuis la loi de bioéthique de 2004, le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis préparatoire à l’examen du présent texte, dresse un bilan mitigé de la situation : « Le nombre de malades en attente d’un organe est près de quatre fois supérieur aux greffes réalisées et, dans le même temps, en moyenne 550 d’entre eux décèdent chaque année, depuis plusieurs années. »
Cet amendement vise à remédier à cet état de fait. Nous proposons d’ouvrir la possibilité, pour chaque assuré social, de faire figurer sur sa carte Vitale son accord au prélèvement d’organes à des fins de greffe en cas de décès.
Pratique et d’emploi généralisé, la carte Vitale nous semble être le support le plus adapté pour un « testament de vie ». En cas de décès de l’assuré, les équipes médicales chargées du prélèvement de l’organe gagneraient un temps considérable et les chances de réussite de la transplantation se trouveraient accrues.
Le rapport précise que les « dispositions trop peu connues, y compris des établissements de santé, induisent des démarches souvent complexes pour les donneurs ». Par ailleurs, l’une des conclusions de la mission sur le prélèvement d’organes du député Jean-Louis Touraine présentées le 20 décembre 2017 soulignait que le taux de refus important peut s’expliquer notamment par des « contextes défavorables » qui mettent un coup d’arrêt à un prélèvement possible, le choc émotionnel subi par les familles l’emportant souvent sur la volonté du défunt.
La médiation prévue dans notre amendement permettrait de respecter le choix de l’assuré tout en évitant de douloureux questionnements aux proches endeuillés.
De plus, dans le cas où cette mesure serait adoptée, sa publicité permettrait une communication d’ampleur en direction du grand public, encore trop peu informé aujourd’hui.
Michelle Gréaume est à nouveau intervenue dans le débat le mercredi 29 janvier 2020, pour défendre l’amendement 207 sur l’article 29, pour demander l’élargissement de la composition du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) aux représentants des associations concernées par les questions de bioéthique.
Il convient d’élargir la composition du CCNE aux représentants des associations directement concernées par les questions de bioéthique.
Ce n’est pas qu’une affaire de sachants. Chacun doit s’en emparer. Les questions de bioéthique suscitent un intérêt croissant chez nos concitoyens, y compris les plus jeunes.
La vice-présidente du CCNE, Karine Lefeuvre, estimait justement, lors de son audition par la commission spéciale, que « nous sommes au début d’une démocratie sanitaire ». Dans son avis sur la révision de la loi de bioéthique, le CCNE a appelé à une intensification de la participation de la société civile aux débats relatifs à la bioéthique. Élargissons donc la composition du CCNE !