Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre
Monsieur le Président de la Commission des lois,
Madame la Rapporteure,
Mes cher.e.s collègues,
Nous avons tous, je le crois, et cela se sent dans ce débat, le sentiment de vivre un moment important sinon historique.
Historique d’abord parce qu’il s’agit d’apporter modification à notre Constitution, et que ce n’est pas un geste anodin.
Important, historique parce que cette modification, et cela a été dit précédemment, fait écho aux combats menés par des millions de femmes à travers le monde depuis des siècles, pour conquérir le droit de disposer librement de leurs corps.
Historique enfin, parce que, aujourd’hui même, des millions de femmes, et d’hommes aussi, attachées à cette liberté fondamentale, nous regardent et nous écoutent.
Car de quoi s’agit-il ? De faire du droit à l’avortement une liberté garantie pour toutes les femmes qui vivent sur notre sol.
C’est un combat que notre groupe, et je le dis en ayant en face de moi Laurence Cohen, c’est un combat que notre groupe a porté depuis de très nombreuses années, puisque, dès 2017, nous avons proposé, par une proposition de loi constitutionnelle, que l’IVG puisse être constitutionnalisé.
Et aujourd’hui, avec ce projet de loi constitutionnelle, nous avons la possibilité d’inscrire le droit à l’avortement dans notre Constitution. Le souhait de notre groupe, c’est que ce texte puisse être voté dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée nationale.
Or, qu’entendons-nous depuis que ce projet est sur la table ?
Nous entendons que l’IVG ne serait pas menacée. Et pourtant, tout montre qu’elle l’est.
Elle l’est d’abord en France, parce que des forces rétrogrades n’ont pas renoncé à la remettre en cause, parce que des forces médiatiques s’organisent pour la contester – et je pense, moi aussi, aux propos monstrueux qui ont été entendus sur une chaîne d’information en continu, ou plus exactement de désinformation en continu, visant à nous faire croire que l’IVG serait la première cause de mortalité dans le monde.
Contestée aussi, mise en cause aussi, mise en danger aussi par des forces politiques, et l’intervention de M. Ravier en a porté témoignage tout à l’heure. Et d’ailleurs, il y avait, quand même je le dis, quelque chose de répugnant à l’entendre, au vu de son identité politique, s’abriter derrière la figure de Simone Veil, quand même... Quand même…
Et donc, oui, l’IVG est menacée en France, elle est menacée en Europe, menacée en Pologne, elle est menacée aux États-Unis où quatorze États interdisent aujourd’hui l’IVG.
Qui peut, par conséquent, affirmer que l’IVG ne serait pas menacée ?!
Qu’entendons-nous par ailleurs ? Nous entendons que notre Constitution n’aurait pas vocation à être un catalogue de droits sociaux ? Il y a là une conception de la Constitution que nous ne partageons pas, une conception au fond qui vise à nous faire croire que la Constitution serait un objet juridique froid, qui se limiterait à l’organisation des pouvoirs politiques.
Comment expliquer alors que ceux-là même qui développent cet argument ne sont pas avares en propositions de loi constitutionnelle qui n’ont rien à voir avec la stricte organisation des pouvoirs ? C’est vrai du côté de la gauche, mais c’est vrai aussi du côté de la droite. Vous n’êtes pas avares en propositions de loi constitutionnelle ! Et c’est parfaitement légitime, mais y compris quand vous proposez d’inscrire les racines judéo-chrétiennes de la France dans la Constitution. Ça n’a rien à voir avec l’organisation de nos institutions et pourtant vous l’avez proposé et je passe sur les propositions que vous avez faites, y compris sur les enjeux liés à l’immigration.
Et au fond, je me dis qu’il ne faudrait pas qu’on ait la main plus tremblante quand il s’agit d’ajouter des droits dans notre Constitution que lorsqu’il s’agit d’en retrancher !
Et la réalité, c’est qu’aucun des arguments qui sont avancés pour rejeter ce projet de loi ou pour l’amender, ce qui revient à le retarder, n’est valable.
La réalité, c’est que nous avons la possibilité, par notre vote, de franchir un grand pas et d’accrocher ensemble une belle victoire.
Une belle victoire pour les femmes qui vivent en France, parce que ce droit fondamental sera ainsi protégé. Une belle victoire pour toutes les femmes à travers le monde, les femmes qui se battent pour que ce droit soit garanti dans leur pays.
Et d’ailleurs, quand bien même le vote de ce texte n’aurait que cette fonction-là, permettre à ces femmes qui nous regardent, qui n’ont pas accès à ce droit aujourd’hui, leur dire que nous sommes à leurs côtés, nous partageons leur combat, leur envoyer ce signal-là, quand bien même ce vote ne servirait qu’à ça, il serait fondamentalement utile !