Lire l’intervention générale d’Eric Bocquet sur la réserve parlementaire
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes cher.e.s collègues,
La suppression de la réserve parlementaire le 15 septembre 2017, par la loi organique pour la confiance dans la vie politique, s’inscrivait dans une forme d’antiparlementarisme profond. Il subsiste aujourd’hui concomitamment à la perte de prérogative du Parlement, on le constate régulièrement. La restauration de la confiance populaire dans leurs parlementaires n’interviendra ni en poursuivant la décrue de leur capacité d’intervention, ni en caricaturant les positions politiques prises par « les oppositions ».
La fin de la réserve, cette somme allouée par une convention de la constitution aux parlementaires pour financer de modestes projets associatifs ou communaux, prenait sa source non seulement dans une perspective de « moralisation » ou de « confiance » renouvelée, mais avant tout dans une perspective austéritaire. La sanctuarisation des crédits promise n’a d’ailleurs pas eu lieu. Loi de finances après loi de finances, les transferts aux collectivités ont été l’objet de coupes sombres dans les « arbitrages bercyiens ». En somme, une mesure d’économie supplémentaire, symbolique, de 183 millions d’euros pour les deux chambres, qui n’irriguent plus aujourd’hui les territoires.
Sans revenir sur le démantèlement de la dotation globale de fonctionnement, les financements au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) sont gelés depuis 2018. La majorité sénatoriale a d’ailleurs, lors de ce projet de loi, refusé deux amendements visant à indexer la DETR et la DSIL sur l’inflation. Balayés d’un revers de la main, ces votes lient les territoires à la restauration d’une telle réserve. C’est parce que les tenants des économies déraisonnées se liguent contre une majoration des capacités d’investissement des collectivités, que ce débat prend une certaine acuité. Faute de mieux, dirons-nous, nous prendrons, membres du groupe CRCE-K, ces quelques crédits qui viendront au secours des communes ou des associations, pour qui ces dotations ne ruissellent pas ou peu.
Les élus locaux le savent bien, la DETR souffre aussi des planchers, seuils et autres restrictions en décalage avec les réalités locales. Les petits projets échappent à la DETR car, en 2022, les subventions de 20 000 euros ou moins ne représentaient en cumulé qu’à peine 10 % de l’enveloppe globale. Le montant moyen de subvention s’élevait à 45 503,48 euros précisément. Alors que la moitié des projets de l’ancienne réserve parlementaire finançait, au Sénat, des projets 8 fois moins élevés, soit moins de 5 000€.
J’ai entendu ici ou là dire que le Fonds Vert s’intègrerait dans les compensations. Le Fonds Vert, particulièrement illisible – il y a encore par exemple à date 4 170 aides disponibles – correspond à un véritable maquis de subventions pour les collectivités. Mettre au regard la réserve parlementaire et l’outil principal de la transition écologique des collectivités, c’est, selon nous, réduire l’ambition climatique à un sujet marginal.
Les associations, nous le savons, n’ont pas retrouvé non plus la flexibilité et le niveau d’aide qu’elles avaient sous l’empire de la réserve parlementaire. 80,8% des associations perceptrices du fonds de développement de la vie associative (FDVA) sont des petites associations de moins de 2 salariés, mais les deux volets sont particulièrement complexes et ne s’adressent pas aux mêmes acteurs de la solidarité.
La Cour des comptes en 2021 pointait « un constat avéré de saupoudrage », si bien que 66% des subventions étaient inférieures à 2 000 € en 2019, incompatible avec l’intention de consolider et pérenniser le tissu associatif. Le champ des publics potentiels est en effet disproportionné par rapport aux capacités de financement du FDVA2, qui touche aujourd’hui un peu moins de 10 000 associations.
L’opacité et les modalités d’attributions prévues par l’ancienne réserve parlementaire, bien qu’amoindrie depuis la publication en accès libre des projets financés, doivent nous obliger à faire toujours mieux pour éviter que cette « réserve parlementaire » s’apparente à une « mallette parlementaire ». Cette exigence de transparence, est un préalable à son rétablissement.
J’ajoute que nous plaidons pour une égalité stricte de la réserve parlementaire entre tous les membres du Parlement, sans distinction, car il n’y a pas d’élus de la nation de seconde zone.
Notre groupe votera très majoritairement, comme moi-même, pour cette proposition de loi.