Auditions en commissions

Audition - Lutte contre la fraude fiscale

Les ONG Oxfam, Anticor, Transparency International France et CCFD reçues au Sénat

Ce mercredi 20 juin, les organisations non gouvernementales spécialisées dans la lutte contre la fraude fiscale que sont Oxfam, Anticor, Transparency International France et CCFD ont été reçues par la Commission des Finances au Sénat, dans le cadre du projet de loi "Lutte contre la fraude fiscale", qui sera présenté les 3 et 4 juillet prochains à l’appréciation des sénateurs.

Eric Bocquet, Vice-Président de la Commission des Finances, a tenu à s’exprimer lors de cette audition.

L’intégralité de l’audition est à retrouver en vidéo sur le site du Sénat.

D’abord, je voudrais me féliciter de la présence parmi nous ce matin des 4 ONG présentes, OXFAM, CCFD, Anticor et Transparency. Je ne dis pas ça par démagogie ou flagornerie, mais c’est ici que la loi se décide jusqu’à nouvel ordre, mais je pense que si on peut s’appuyer sur des ONG et des citoyens au sens large, c’est comme ça qu’ils se sont présentés, je pense qu’on serait plus efficace qu’on ne l’est, qu’on ne l’a été jusqu’à alors. C’est le premier point que je voulais aborder.

Le débat sur le Verrou de Bercy, moi je ne partage pas le pessimisme de notre rapporteur général, que je trouve plus allant d’habitude, très enthousiaste. Les choses ne sont pas écrites d’avance, il faut qu’on décide un jour que la justice puisse disposer des moyens humains, techniques, des qualifications pour que cette priorité devienne une vraie priorité, compte tenu des enjeux financiers que ça représente pour nos budgets en France et ailleurs dans le monde entier. Il faut qu’on s’y mette tous. Donc je pense qu’il faut y aller, il faut décider un jour que les choses puissent avancer, et c’est le politique qui doit le décider à un moment donné je pense. Et on doit s’appuyer sur l’ensemble des citoyens impliqués sur le sujet. Il n’y a aucune fatalité sur le sujet.

Au Royaume-Uni, qui pourtant n’est pas exemplaire en matière d’évasion fiscale, si je parle de la City, mais je ne vais pas développer, l’exemple de Starbucks qui a été convoqué par le Parlement britannique, par la Commission des comptes publics il y a quelques années, les responsables ont été un peu secoués, ils ont été rincés dans cette audition, à tel point que l’opinion publique s’est sensibilisée au sujet, Starbucks gagne beaucoup d’argent et ne paie pas beaucoup d’impôts au Royaume-Uni, et donc il y a eu un boycott qui a été décidé par l’opinion, par les consommateurs, et donc Starbucks a perdu du chiffre d’affaires. Et donc, ça commençait à les faire bouger. Leur image en a été ternie dans les tabloïds anglais, vous savez comment ils savent faire, et ils ont perdu de l’argent.

Donc l’image et le portefeuille, effectivement ça compte, et ça peut faire bouger les choses.

Deuxième exemple britannique, encore une fois qui n’est pas le paradis anti-évasion : il y a une loi qui a été votée le 1er mai cette année qui impose la création d’un registre des propriétaires des entités non déclarées à Jersey et ailleurs, dans les paradis fiscaux. Ça a fait consensus au Parlement britannique. Tout ça pour dire que les choses peuvent avancer si on décide qu’elles avancent. C’est sincèrement ce que je pense.

Parce que le Verrou de Bercy, quand même, dans ce pays, on sait que HSBC, dont il a été beaucoup question ces dernières années, et qui a soustrait 1,6 milliards d’euros d’impôts au FISC français, s’en sort sans procès en faisant un chèque de 300 millions.

Comment est-ce entendable dans l’opinion publique quand dans le même pays on peut mis en prison pour 2 mois de prison ferme pour un vol de paquet de pâtes ? Encore une fois, ce n’est pas de la démagogie, c’est une réalité. Et aux yeux de l’opinion, c’est incompréhensible. Et HSBC reconnait les faits, « ok je reconnais les faits mais ne me faites pas de procès, je vous ferai un chèque de 300 millions d’euros et l’affaire s’arrêtera là ». Ce n’est pas acceptable, dans une société de droit comme la nôtre. Il faut qu’on soit très très vigilant par rapport à ça, parce que les dérives, on les connait et on sait malheureusement où ça peut aboutir.

J’aurai juste une question : ce qui manque dans le texte je crois, c’est vraiment la dimension internationale et d’abord la dimension européenne, mais je pense même qu’on pourrait parler planétaire, c’est ambitieux mais il faut avoir un peu d’ambition parfois par rapport à l’enjeu encore une fois.
Au niveau européen, je voudrais avoir l’avis des ONG présentes pour savoir quelles initiatives la France pourrait mener, en parallèle de la mise en place d’un texte, parce que la France peut agir de son côté, je n’oppose pas les dimensions, mais on ne peut pas oublier la dimension internationale et notamment la dimension européenne, je sais que se pose la question de l’unanimité sur les sujets fiscaux mais est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer une coopération renforcée sur un sujet comme celui-là, avec des Etats qui seraient d’accord, c’est un combat politique là aussi avec des opinions y compris, quel genre d’initiatives le Gouvernement pourrait mener, selon vous, pour qu’au niveau européen, on avance également sur les sujets de transparence, d’efficacité et d’harmonisation fiscales ?

Albéric de Montgolfier : Le problème avec HSBC, c’est que ce n’est pas une décision du FISC mais une décision de la justice, c’est le PNF (Parquet National Financier, ndlr) qui a transigé.

Eric Bocquet : oui mais on est sur le même sujet quand même. Aux yeux de l’opinion, ça ne change rien.

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