Mme Michelle Gréaume attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de l’interdiction de l’usage de produits phytosanitaires dans les filières de l’endive et de la chicorée.
Déjà fragilisées par les hausses parfois vertigineuses du coût de l’électricité, ces filières doivent faire face aujourd’hui à une nouvelle menace qui pourrait remettre en cause leur existence. En effet, la Commission européenne a décidé d’interdire l’utilisation de trois produits phytosanitaires, deux désherbants et un insecticide, très largement utilisés par les producteurs.
Si ceux-ci ne sont pas opposés par principe à l’évolution des pratiques et à la limitation de leur impact sur l’environnement, force est de constater qu’aucune alternative viable, chimique, manuelle ou mécanique n’existe à ce jour, garantissant des rendements équivalents.
Concrètement, cela signifie que ces filières n’ont aucune visibilité sur leur capacité à produire en 2025. Rappelons qu’elles représentent 500 producteurs et planteurs, pour la plupart installés dans les Hauts-de-France, 5 000 emplois directs et indirects. Le Président de la République comme le Premier ministre ont à plusieurs reprises rappelé leur opposition aux interdictions sans solutions de remplacement.
Les producteurs et planteurs ne demandent pas autre chose que du temps, un moratoire, pour trouver et mettre en oeuvre des solutions alternatives. Il semble que la direction générale de l’alimentation (DGAL) ait déjà entamé des recherches pour tester des solutions de substitution possibles.
Dans ce contexte, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures concrètes que le Gouvernement compte prendre pour concilier impératifs environnementaux et viabilité des filières et des emplois de l’endive et de la chicorée.
Réponse de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Les producteurs d’endives et de chicorées sont directement confrontés à une impasse technique potentielle pour le désherbage à la suite de l’interdiction européenne de la benfluraline, commercialisée en France via le produit phytopharmaceutique appelé Bonalan.
Avant de statuer, toutes les voies ont été explorées, à la demande de la France notamment, pour maintenir une approbation européenne permettant certaines utilisations de la benfluraline, même restreintes. L’autorité européenne de sécurité des aliments avait été mandatée pour évaluer l’effet de diverses méthodes d’atténuation des risques. Néanmoins, les analyses ont clairement permis d’identifier des risques écotoxicologiques, ainsi qu’une double suspicion d’un caractère cancérigène et reprotoxique de catégorie 2 (CMR2). En tant que substance fluorée, la benfluraline a été listée par l’agence européenne des produits chimiques parmi les 30 substances actives phytopharmaceutiques de la famille des per- et polyfluoroalkylées (PFAS).
L’interdiction de la substance a néanmoins été accompagnée d’un délai de grâce de 15 mois, porté par la France, permettant ainsi une utilisation des stocks de produits pendant une partie de la campagne, soit jusqu’au 12 mai 2024. La poursuite de la campagne 2024 d’endives et de chicorées pourra être conduite avec les autorisations existantes. S’agissant de la campagne 2025, les filières ont engagé des travaux d’identification d’autres solutions de désherbage, et le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire est pleinement mobilisé pour permettre que des herbicides adaptés puissent être disponibles lors de cette campagne, en complément des herbicides déjà autorisés.
C’est d’ailleurs l’objectif du cycle de réunion sur les alternatives de courts termes aux produits phytosanitaires interdits lancé le 15 mars 2024. Ce travail permet notamment d’objectiver les distorsions de concurrence liées à des différences d’autorisations de mise sur le marché (AMM) entre la France et les autres États membres de l’Union européenne. Une réunion dédiée à l’endive a eu lieu le 19 avril 2024 et de premiers éléments devraient être présentés le 24 mai 2024. Par ailleurs, dans le cadre du programme national d’expérimentation (PNE), deux substances d’intérêt sont actuellement à l’étude et dans l’attente de données complémentaires : l’halauxifène-méthyl et la pendiméthaline. Ces données pourront être générées en 2024 par des essais via une convention sur le budget du PNE. Un permis d’expérimentation a d’ores et déjà été déposé à l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour un produit à base d’halauxifène-méthyl.
Selon les éléments qui pourront être générés sur ces substances, des dérogations d’urgence pourraient être déposées par les filières endivière et de chicorée afin d’utiliser de tels produits pour la campagne 2025. En tout état de cause, ces substances présentent un profil toxicologique et écotoxicologique plus favorable que la benfluraline. Néanmoins, afin d’apporter un maximum de visibilité et de pérenniser les solutions de protection, il sera demandé à ce que les détenteurs de ces produits s’engagent à déposer auprès de l’Anses une demande d’AMM, en parallèle des demandes de dérogations.
Concernant les méthodes non chimiques, les filières travaillent sur le désherbage mécanique automatisé et la pulvérisation intelligente ultra-localisée. Le désherbage des chicorées en particulier, a été recensé parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté alimentaire pour la filière fruits et légumes. Les travaux futurs devront être de nature à pallier les conséquences de l’interdiction du Bonalan pour les filières endivière et de chicorée.
À ce titre, le Gouvernement mettra à disposition tous les outils jugés nécessaires afin d’accélérer le développement et l’adoption d’alternatives. C’est tout le sens du travail mené au sein du plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, dit PARSADA. Les filières pourront ainsi certainement profiter des avancées agronomiques et techniques prévues par l’appel à projets dédié à la gestion de l’enherbement dans les cultures légumières, qui a été ouvert en janvier 2024 dans le cadre du PARSADA.