Questions au gouvernement

2ème lecture de la PPL sur les cabinets de conseil privés

"Une chose est certaine, il nous faut cette loi"

Mardi 28 mai 2024, les sénatrices et sénateurs étaient invités à débattre en deuxième lecture sur la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, rédigée pour donner suite au rapport publié par le Sénat et le qualifiant de « phénomène tentaculaire », « anarchique ». En première lecture, le texte avait été adopté à l’unanimité au Sénat.

C’est Eric Bocquet qui s’est exprimé à ce sujet au nom du groupe CRCE-K, pour rappeler l’importance de mettre en œuvre les mesures de ce texte. Une panne de micro étant intervenue au cours de l’allocution du Sénateur, la vidéo est amputée de la fin de sa prise de parole.

Le Sénat a adopté à l’unanimité avec modifications, en deuxième lecture, la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.

Lire le texte de l’intervention d’Eric Bocquet sur les Cabinets conseils.

Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Madame la Rapporteure,
Mes cher.e.s collègues,

Il aura donc fallu une nouvelle fois l’engagement conjoint des Républicains et de notre groupe pour que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour sur une semaine sénatoriale. Depuis que le groupe CRCE-K, ici, au Sénat, a fait œuvre utile en révélant, par une commission d’enquête un « phénomène tentaculaire » pour qualifier le recours aux cabinets de conseil privés dans les politiques publiques ; je salue à ce moment l’ancienne présidente de notre groupe Eliane Assassi et rapporteure des travaux pour son courage et sa ténacité, tout comme son Président Arnaud Bazin.
Depuis cela, c’est peu dire que le gouvernement s’est employé contre cette proposition de loi transpartisane.

Avec d’abord, une circulaire visant à encadrer le volume et la nature du recours aux cabinets de conseil annoncée dans la presse le jour même de l’audition de la Ministre Amélie de Montchalin au Sénat, publiée le lendemain, le 20 janvier 2022.

Ensuite, Monsieur le Président de la République en campagne qui enjoignait les institutions judiciaires du pays à se saisir de ce scandale : « qu’ils aillent au pénal ! » avait-il asséné avec une grande fébrilité.

Sans surprise, la pression ne retombe pas depuis la présentation du rapport qui a mis au jour un système quasi anarchique, dépassant le milliard d’euros en 2021, multiplié pour les seuls ministères par 2,36 depuis 2018.

Déposée le 21 juin 2022, la présente proposition de loi n’a jamais été reprise à son compte par le Gouvernement qui, nous le savons, dispose de la majorité de l’ordre du jour parlementaire. La proposition de loi est adoptée à l’unanimité le 18 octobre 2022 mais ce n’est que 15 mois plus tard, après les engagements « sincères » de Monsieur le Ministre Guérini d’inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, que la seconde chambre du Parlement eut ENFIN le droit d’en débattre.

Ce parcours chaotique, ces délais interminables, la machine gouvernementale à saper le travail parlementaire s’est abattue sur cette proposition de loi. Dès la commission à l’Assemblée, malgré l’excellent travail de notre collègue Nicolas Sansu, co-rapporteur avec le député Bruno Millienne, de la majorité, l’ambition générale du texte fut amoindrie.

La ministre Marie Lebec affirmait vouloir réarmer l’État. C’est tout ce que nous demandons, mais il faudra nous expliquer comment réarmer l’État avec la trajectoire des finances publiques la plus drastique que la Vème République ait jamais connue. Les 3% en 2027 comme seul horizon budgétaire et politique, la réduction des dépenses publiques comme une fin en soi.
Réarmer l’Etat c’est pour vous tout au plus la création d’une agence de conseil interne de l’Etat, qui existait finalement déjà et qui s’appelait la direction interministérielle de la transformation publique, la fameuse DITP, ce point d’entrée des cabinets de toutes obédiences. De la communication, 75 agents qui feront pâle figure à côté des armées de consultants qui mettaient parfois les fonctionnaires en minorité dans leurs propres maisons.

Vous auriez réduit les dépenses de cabinets de conseil par 3 depuis 2021, dites-vous. Un chiffre malheureusement invérifiable tant votre jaune budgétaire est lacunaire en ne comprenant que 7 groupes de marchandise, contre 12 dans le rapport de la commission d’enquête sénatoriale. Le périmètre n’est pas le bon, et nous ne connaissons pas la nature des prestations.

Je vous le dis, il ne peut y avoir de transparence sans contrôle, sans sanction. Mais oui, il ne peut y avoir de transparence sans moyen dédié à cette fin et confié à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. 9,6 millions d’euros en 2023 pour solde de tout compte avec le contrôle de la probité sur les élus que nous sommes, les lobbies et demain les cabinets de conseil ? Ça n’est pas suffisant, ça n’est pas acceptable, donnons-nous les moyens de la transparence.
Une chose est certaine, il nous faut cette loi, telle qu’elle nous parvient de la commission. Il faut un engagement clair, un engagement du gouvernement d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour pour atteindre un accord, sur ce qui demain, doit protéger des dérives d’hier dans l’activité des ministères, des dérives au cœur de l’État, minant sa conception et ses valeurs, dénaturant son rôle et sa mission.

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