Eric Bocquet a avancé quelques éléments de réponse.
Un enjeu d’équité fiscale et de cohésion sociale
« Le président Macron restera comme celui qui aura osé supprimer l’impôt sur la fortune (ISF), contrairement à Chirac et Sarkozy, même si ceux-ci l’avaient considérablement allégé par la création d’une multitude de niches fiscales.
L’argument « massue » de ce gouvernement était de nous resservir la fameuse théorie du ruissellement.
Aucun rapport, aucun chiffre n’a démontré le bien-fondé de ce concept. Le comité d’évaluation de la réforme a remis deux rapports en 2019 et 2020, dans lesquels il avoue être dans « l’incapacité de savoir si la réforme a permis la réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers l’investissement dans les entreprises ». Par contre, une chose est sûre, les riches de France sont encore plus riches sans l’ISF et après dix-huit mois de pandémie historique, ce qui permit au magazine américain Forbes de désigner notre pays comme « un hot spot de milliardaires ».
Le numéro spécial du magazine Challenges établissant chaque année le classement des 500 plus riches de France nous apporte des éléments édifiants. L’année Covid a mis à l’arrêt des pans entiers de l’activité, agitant le spectre d’une explosion des faillites et du chômage ; elle a aussi obligé les États à s’endetter lourdement pour éviter l’effondrement. Challenges nous dit que les ultrariches, eux, se sont enrichis comme jamais. Chiffres à l’appui, la fortune des 500 plus riches a crû de 30 %, celle des 109 premiers de 34 %, celle du top 5 de 45 %, et enfin celle de notre champion national, Bernard Arnault, a gonflé de 57 %. Conclusion, plus on est riche et plus on s’est démesurément enrichi.
Évoquons la distribution de dividendes qui a explosé malgré la crise, ou encore les rémunérations des patrons du CAC 40, en hausse de 40 % sur une année, une moyenne de 5,3 millions d’euros en 2021, 284 fois le Smic ! Les appels à la modération du ministre Bruno Le Maire, aux oubliettes ! On se rend bien compte que l’assiette d’un ISF rénové pourrait générer à elle seule des milliards de ressources nouvelles.
Une bataille idéologique est menée contre l’ISF. Les opposants au rétablissement de l’ISF répètent à l’envi que cet impôt ne rapportait pas grand-chose. Voyons les chiffres. En 2017, l’ISF avait rapporté 5,2 milliards d’euros. Pas grand-chose, dites-vous ? Cette année, le budget de l’agriculture s’élève à 2,7 milliards, celui de la culture à 3 milliards, celui de la justice 8,2 milliards, pour le sport, la Jeunesse et la vie associative 1,3 milliard, celui des outre-mer, 2,4 milliards, ou encore 3,9 milliards pour l’aide publique au développement. On voit bien que cette ressource de l’ISF pourrait utilement abonder tous ces budgets, qui ont tous des besoins énormes à satisfaire.
L’autre argument que l’on nous oppose est celui de la « fuite des riches » vers l’étranger. Là encore, il convient de rétablir certaines vérités. Jusqu’en 2017, ce sont environ 358 000 foyers qui étaient assujettis à l’ISF, sur un total de 38 millions de foyers fiscaux en France. Entre 1997 et 2018, environ 0,2 à 0,3 % avaient quitté notre pays pour des raisons fiscales, mais aussi professionnelles ou personnelles.
Après une année et demie de pandémie, la pauvreté a explosé, ainsi qu’une dette publique que ce gouvernement s’apprête à faire payer à tous, sauf aux plus riches. Il y a un besoin accru de services publics pour garantir l’égalité dans notre pays. Le rétablissement de l’ISF est pour nous une évidence, il n’est pas toute la réponse mais il en est une partie. C’est un enjeu d’équité fiscale et de cohésion sociale, la pandémie a beaucoup fragilisé la société et exacerbé les injustices. Rétablir l’ISF, à n’en pas douter, un beau sujet de campagne pour la présidentielle. »
L’article en intégralité est à retrouver sur le site de l’Humanité.